infoclio.ch-Tagung 2024: Zweiter Weltkrieg. Erinnerung im Wandel

Das Interesse am Zweiten Weltkrieg erfährt gegenwärtig neue Impulse, ebenso die Frage nach dem Gedenken an den Krieg und seine Opfer. Die infoclio.ch-Tagung 2024 vom 22. November 2024 thematisierte den Wandel der Erinnerungskultur und die schweizerischen Gedenkinitiativen. Sie blickte zudem auf den Umgang mit dem Krieg in weiteren europäischen Ländern und auf seine politische Instrumentalisierung.

Auf dieser Seite finden Sie Aufzeichnungen der Referate und einer Podiumsdiskussion, einen Bericht zur Tagung sowie die Beiträge der Blogreihe «Das Gedenken an den Zweiten Weltkrieg in der Schweiz und ihren Grenzgebieten».

Moderation
Last Name
Vallotton
First Name
François
FunctionInstitution
Institution
Université de Lausanne
 & 
Moderation
Last Name
Natale
First Name
Enrico
FunctionInstitution
Institution
infoclio.ch

Begrüssung 2024

Session 1:

Den Zweiten Weltkrieg erinnern: nationale Entwicklungen

  • Moderation
    Last Name
    Späti
    First Name
    Christina
    FunctionInstitution
    Institution
    Universität Freiburg

Die Erinnerung an den Zweiten Weltkrieg und die NS-Zeit in der Schweiz: Kontinuitäten und Brüche

  • Moderation
    Last Name
    Peschanski
    First Name
    Denis
    FunctionInstitution
    Institution
    Centre national de la recherche CNRS

Mémoire collective de la Seconde Guerre mondiale en France

  • Moderation
    Last Name
    Knigge
    First Name
    Volkhard
    FunctionInstitution
    Institution
    Friedrich-Schiller-Universität Jena

Rolle rückwärts? Zu Renationalisierung, Reheroisierung und neuem Partikularismus in der deutschen Erinnerungskultur

Résumé en français par Enrico Natale

Résumé en français par Enrico Natale

  • Moderation
    Last Name
    Canfora
    First Name
    Luciano
    FunctionInstitution
    Institution
    Università degli studi di Bari Aldo Moro

Quando incominciò e quando finì la Seconda guerra mondiale

Session 2:

Das Gedenken zwischen digitalen Netzwerken und politischer Arena

  • Moderation
    Last Name
    Makhortykh
    First Name
    Mykola
    FunctionInstitution
    Institution
    Universität Bern

Instrumentalisation of the Past in the Age of Android Historians. How AI (Re)writes the History of the Holocaust

  • Moderation
    Last Name
    Manucci
    First Name
    Luca
    FunctionInstitution
    Institution
    Universidade de Lisboa

Authoritarian Legacies and the Populist Radical Right

  • Moderation
    Last Name
    Meyer
    First Name
    Fabienne
    FunctionInstitution
    Institution
    Universität Freiburg

Schweizer Memorial für die Opfer des Nationalsozialismus: Erinnerungsort Bern

  • Moderation
    Last Name
    Thimm
    First Name
    Barbara
    FunctionInstitution
    Institution
    Jüdisches Museum Hohenems

Schweizer Memorial für die Opfer des Nationalsozialismus: Vermittlungsort Rheintal und Vernetzung

  • Moderation
    Last Name
    Vallotton
    First Name
    François
    FunctionInstitution
    Institution
    Université de Lausanne

Gérer un passé sensible : le Doctorat honoris causa attribué à Mussolini par l’Université de Lausanne

  • Moderation
    Last Name
    Tanner
    First Name
    Jakob
    FunctionInstitution
    Institution
    Universität Zürich

Stolpersteine als Erinnerungskatalysatoren

  • Moderation
    Last Name
    Loewy
    First Name
    Hanno
    FunctionInstitution
    Institution
    Jüdisches Museum Hohenems
  • Moderation
    Last Name
    Spuhler
    First Name
    Gregor
    FunctionInstitution
    Institution
    Archiv für Zeitgeschichte
  • Moderation
    Last Name
    Tanner
    First Name
    Jakob
    FunctionInstitution
    Institution
    Universität Zürich
  • Moderation
    Last Name
    Scheide
    First Name
    Carmen
    FunctionInstitution
    Institution
    Universität Bern
  • Moderation
    Last Name
    Valloton
    First Name
    François
    FunctionInstitution
    Institution
    Université de Lausanne
  • Moderation
    Moderation: 
    Last Name
    Hallama
    First Name
    Peter
    FunctionInstitution
    Institution
    Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Podiumsdiskussion: Das Gedenken an den Zweiten Weltkrieg in der Schweiz: Immer ein Schritt zu spät?

Author of the report
Andréa
Espinosa
Université de Lausanne
Citation: Espinosa, Andréa: Deuxième Guerre mondiale. Une mémoire en mutation, infoclio.ch Tagungsberichte, 23.01.2025. Online: <https://www.doi.org/10.13098/infoclio.ch-tb-0317>, Stand: 10.02.2025

Télécharger la version PDF du compte rendu. 

 

Le 16e colloque infoclio.ch1 s’ouvre sur une réflexion de FRANÇOIS VALLOTTON (Lausanne), empruntée à Enzo Traverso, concernant le rôle de la Seconde Guerre mondiale et des commémorations de la fin de la guerre dans les différents conflits mémoriels. En effet, la date symbolique du 8 mai 1945 prend des significations différentes selon les espaces géographiques : tandis que dans les pays alliés la capitulation de l’Allemagne est célébrée comme une sorte de « nouveau départ », en Algérie les massacres de Sétif, Guelma et Kherrata, survenus le même jour, sont commémorés comme le prélude à la guerre d’indépendance. En ce qui concerne la Suisse, le 8 mai 1945 est marqué en toute modestie par une allocution radiophonique du Conseiller fédéral Eduard Von Steiger qui, malgré quelques remerciements, n'exprime pas de reconnaissance particulière envers les alliés pour la libération de l’Europe

En avril 2023, le Conseil fédéral a décidé de financer l’ouverture d’un mémorial suisse en hommage aux victimes du national-socialisme. C’est autour cette initiative, combinée à une actualité mémorielle dense dans les pays voisins, comme le regain de réflexion autour de l’héritage et la mémoire du fascisme en Italie, ou les commémorations du 80e anniversaire du débarquement en France, que s’organise cette journée de colloque international, informe son organisateur ENRICO NATALE. La mémoire publique de la Seconde guerre mondiale est une production sociale historiquement située et, en tant que telle, elle évolue avec le temps. Le but des différentes interventions de cette journée est de parcourir l’histoire de ces diverses mémoires et l’impact de ces dernières sur le paysage mémoriel actuel.

VOLKHARD KNIGGE (Jena) qui devait ouvrir la première session intitulée « Commémorer la Seconde Guerre mondiale : trajectoires nationales » n’était malheureusement pas présent mais son abstract, lu et traduit par Enrico Natale, dresse un portrait d’une mémoire allemande de la Seconde Guerre mondiale fragmentée qui oscille notamment entre une confrontation auto-critique avec son passé, et une commémoration traditionnelle des morts de la nation. En effet, selon Knigge, la culture historique allemande semble tendre depuis quelques années vers un soi-disant « retour à la normale », dans lequel il n’y aurait plus de distinction entre les victimes du nazisme et les Allemands morts au combat, via une prétendue reconnaissance universelle de la souffrance. Aujourd’hui, avec la montée de l’extrême droite dans le pays, la culture mémorielle allemande traverse une crise qui fait ressurgir des oppositions qui semblaient jusqu’alors résolues. À cause des différents défis que représentent la disparition des témoins directs, l’atrophie du concept de « mémoire » en sorte de mot magique déconnecté de l’analyse historique ou encore la transformation de l’histoire en sorte de fable morale stéréotypée, on assiste selon Knigge à un déclin d’une conscience historique critique, et à une perte d’orientation, conséquence de l’incapacité croissante à émettre un jugement historico-politique.

CHRISTINA SPÄTI (Fribourg) signe officiellement le début de ce colloque international en parlant de l’évolution et des lacunes de la mémoire de la Seconde Guerre mondiale en Suisse, une mémoire qui se distingue clairement de celle des autres pays européens. Späti constate alors que, dans la période de l’immédiat après-guerre en Suisse, les mémoires de la guerre sont cristallisées autour de l’idée de résistance au régime nazi, sans jamais débattre ou presque des questions de politique envers les réfugiés. Si ces dernières sont évoquées, elles sont tout de suite justifiées par le contexte militaire, social et économique de l’époque, et ce jusqu’à la fin des années 1950. C’est à partir de la fin des années 1960, notamment à la suite du procès Eichmann, que les victimes de l’Holocauste vont trouver une place dans la mémoire collective en Occident, mais aussi en Suisse. Les années 1980 vont ensuite marquer une institutionnalisation de la mémoire de l’Holocauste, donnant lieu à différentes études critiques sur le rôle et l’implication de la Suisse avec le IIIe Reich. Ce n’est cependant qu’à partir des années 1990, marquées par une mondialisation grandissante et les travaux de la Commission indépendante d’experts Suisse-Deuxième Guerre mondiale (Commission Bergier) mandatée par le Conseil Fédéral, qu’émerge la figure de « spectateurs » du Second conflit mondial, obligeant la Suisse à sortir de cette idée d’avoir été un pays neutre, resté isolé de l’extérieur, épargné par les conséquences de la guerre et sans lien avec l’Allemagne nazie. Cette phase opère un changement de paradigme considérable, sans pour autant amener un alignement complet de la Suisse sur les mémoires européennes de la Seconde Guerre mondiale. L’Holocauste continue à être considéré comme un événement extérieur au pays. « À en écouter certains, je me demande si Auschwitz n’est pas en Suisse » déclarait le Conseiller fédéral Jean-Pascal Delamuraz en 1996, suscitant un tollé. Les efforts menés ces dernières années, majoritairement privés, ont contribué à placer le souvenir de l’Holocauste au sein de la société suisse, et ont mené à la décision de 2023 de créer un mémorial national pour les victimes du national-socialisme. L’Holocauste n’est plus considéré comme un événement extérieur mais comme des faits liés de manière complexe à l’histoire de la Suisse et qui questionnent son rôle durant cette période.

DENIS PESCHANSKI (Paris) poursuit en se focalisant sur le cas de la mémoire collective de la Seconde Guerre mondiale en France, et les politiques mémorielles gouvernementales liées aux commémorations du 80ème anniversaire du débarquement en Normandie. Il met en avant la volonté du gouvernement français de favoriser une pluralité mémorielle. Celle-ci se traduit non seulement par la commémoration internationale du débarquement à Omaha Beach en présence des soldats vétérans de la guerre, mais également par d’autres cérémonies commémoratives, comme celle en hommage aux maquisards et à la résistance intérieure, en Bretagne par exemple, qui ont joué un rôle important dans le succès du débarquement en empêchant les soldats allemands de rejoindre le front en Normandie. Cette commémoration gouvernementale inédite pose, selon Peschanski, la question cruciale de l’articulation entre mémoire collective et individuelle, ainsi que celles des « conditions de mise en récit mémoriel », c’est-à-dire quelles sont les conditions nécessaires pour qu’un événement devienne structurant de la mémoire collective. Le terme « mémoire collective » est défini par Peschanski comme « une représentation sélective du passé qui participe à la construction identitaire d’un groupe, de la société dans son ensemble ou de fragments de celle-ci ». Ces conditions vont dépendre des « régimes mémoriels », c’est-à-dire des configurations mémorielles qui sont caractérisées, à un moment donné, par des figures structurantes (le résistant, la victime juive, le collaborateur, etc.). Ces figures structurantes se déclinent en « mémoire forte » ou « mémoire faible », en suivant l’idée selon laquelle une mémoire ne disparaît jamais totalement, mais connaît plutôt des mouvements de hausse et de baisse au sein de la mémoire collective.

Peschanski fait ressortir six régimes mémoriels en lien avec la Seconde Guerre mondiale qui se sont succédés en France de la fin de la guerre à aujourd’hui. L’immédiat après-guerre est caractérisé par l’accueil de toutes les mémoires, qu’il s’agisse de celle des résistants, des victimes juives ou encore des anciens vichystes qui tentent de défendre l’image du Maréchal Pétain. Un effondrement de ces mémoires s’observe ensuite dans les années 1950, et la figure du résistant se place alors en haut de l’échelle. L’arrivée de Charles de Gaulle au pouvoir en 1958 consolide cette figure du résistant, notamment avec la panthéonisation de Jean Moulin. Les années 1970 et 1980 sont, elles, structurées autour de la figure du français « lâche » et « collabo » et de la question émergente du choix ou non de la collaboration. C’est à partir du milieu des années 1980 que la figure de la victime juive prend une place centrale dans la mémoire collective française de la Seconde Guerre mondiale. Enfin, depuis la présidence de François Hollande, une volonté de convergence et de pluralité mémorielle s’impose.

À travers un parallélisme entre les deux guerres mondiales du XXsiècle et la guerre du Péloponnèse dans la Grèce antique, LUCIANO CANFORA (Bari) a voulu rappeler l’intérêt de se référer à des événements temporellement éloignés pour comprendre certains enjeux contemporains. En partant de la thèse selon laquelle la Seconde Guerre mondiale est en partie une conséquence de la paix punitive imposée à l’Allemagne par le traité de Versailles à la fin de la Première Guerre mondiale, Canfora pointe une continuité entre les deux conflits mondiaux qui rend difficile la tâche de leur attribuer une date précise de début et de fin. Il pointe également des similarités entre la période qui précède la Première Guerre mondiale, marquée par les conflits coloniaux entre les différentes puissances européennes et la domination maritime d’Athènes dans la première moitié du Ve siècle av. J.-C. Tout comme la domination coloniale de l’Angleterre au début du XXe siècle créée des tensions entre les différentes puissances européennes, la domination d’Athènes est vue, dès la fin des guerres médiques, d’un mauvais œil par Sparte pour qui la guerre semble de plus en plus « inévitable ». Il serait aussi possible, selon Canfora, de voir la période de la guerre froide comme une continuité du Second conflit mondial, avec une redistribution des alliances en fonction des intérêts changeants des états. En effet, lors de la conférence de Yalta en février 1945, les alliés de la Seconde Guerre mondiale ne sont déjà plus des alliés dans le sens où leurs intérêts se trouvent plus dans une logique de concurrence que de collaboration. Ainsi l’URSS, victorieuse en 1945 de l’Allemagne nazie, se retrouvera quatre décennies plus tard dans de telles difficultés financières qu’elle en viendra à demander en 1990 une aide économique à l’Allemagne récemment réunifiée. Cette scène est révélatrice non pas d’une césure, mais au contraire d’une certaine continuité entre les deux conflits. Dans la même idée, Sparte et Thèbes, alors alliés contre Athènes durant la guerre, se retrouvent dans une situation de « guerre froide » après la capitulation de cette dernière en 404 av. J.-C., un exemple qui montre bien les analogies qui peuvent être faites entre des conflits à première vue totalement déconnectés entre eux.

La matinée se termine avec une table ronde, modérée par REGULA LUDI (Fribourg) qui revient sur les spécificités nationales des mémoires de la Deuxième Guerre mondiale et la nécessité de prendre en considération le caractère européo-centré de ces dernières. L’année 1945 par exemple, symboliquement très importante, ne représente pas la même chose en Europe que dans d’autres pays comme la Lybie ou encore l’Algérie. Les discussions entre les différents intervenants font aussi ressortir les limites des politiques mémorielles gouvernementales en l’absence d’initiatives mémorielles venant de la société civile. En effet, les politiques mémorielles dictées par les gouvernements ne fonctionnent que si elles répondent à une demande de la société. On retrouve ici cette notion de « régimes mémoriels », proposée par Peschanski, qui évoluent selon les configurations socio-politiques. L’enjeu n’est pas de hiérarchiser les figures qui sont mises au centre des politiques et initiatives mémorielles, mais plutôt de répondre à une demande de la société civile à un moment donné. Une autre question qui se pose de manière urgente aujourd’hui est celle de la transmission de la mémoire après la disparition des derniers témoins directs.

Dans l’après-midi, la seconde session consacrée à « la mémoire entre réseaux numériques et arène politique » s’ouvre avec une intervention de MYKOLA MAKHORTYKH (Berne) sur l’instrumentalisation du passé par les outils d’intelligence artificielle (AI Chatbots), notamment à travers les représentations de la mémoire de l’Holocauste. Si l’intelligence artificielle marque aujourd’hui un tournant dans la manière de faire de l’histoire, il est important d’en comprendre les risques et les limites, d’autant plus que ses utilisations vont probablement augmenter dans les prochaines années. Contrairement aux moteurs de recherche classiques, l’intelligence artificielle a la capacité de créer de nouvelles informations, ouvrant ainsi des possibilités inédites afin de représenter et appréhender le passé. Les informations sur le passé étant constamment utilisées pour s’orienter dans le présent, cette capacité augmente le risque de désinformation. À travers plusieurs exemples concrets tirés de ses recherches, Makhortykh montre comment la réinterprétation erronée du passé par l’intelligence artificielle peut faciliter la diffusion de discours conservateurs dans certains pays. La conclusion temporaire de l’étude montre donc une performance peu satisfaisante des informations historiques fournies par l’intelligence artificielle qui, dans le meilleur des cas, s’élève à 59%.

LUCA MANUCCI (Lisbonne) s’intéresse au rôle de la mémoire historique comme facteur d’explication des résultats électoraux de l’extrême droite dans certains pays. En utilisant dans un modèle prédictif uniquement les quatre critères classiques censés favoriser l’essor du populisme (instabilité économique, corruption, convergence idéologique du système partisan et sentiment de la population de ne pas être écoutée), les résultats ne sont que partiellement satisfaisants. En effet, il semble que certains états qui ne réunissent pas ces conditions voient tout de même la popularité de l’extrême droite augmenter ; il manque donc vraisemblablement une variable pour expliquer ces différences. Cette variable, selon Manucci, s’articule autour de la mémoire du passé fasciste. En établissant plusieurs catégories de types de mémoires collectives relatives au passé fasciste, Manucci fait ressortir un stigma plus ou moins prononcé envers ce passé qui varie selon les pays. Dans le cas d’une mémoire collective articulée autour de la « culpabilisation », c’est-à-dire une situation où le pays assume son passé fasciste et en tire les conséquences, le stigma est très fort. Au contraire, si la mémoire collective s’inscrit autour de l’idée de « victimisation », le pays se considère comme une victime du fascisme et exempt de toute responsabilité, et donc le stigma est absent. Entre ces deux opposés, on retrouve « l’héroïsation », c’est-à-dire l’idée que le pays s’est opposé et a vaincu le fascisme, ce qui produit tout de même du stigma, mais plus faible. Puis, « l’annulation » qui consiste en un déni des responsabilités et une absence de débat public et donc un stigma très faible. Bien sûr, les différentes catégories sont perméables, sachant que les éléments « forts » et « faibles » de la mémoire collective des pays évoluent au fil du temps. Néanmoins, en ajoutant la variable du stigma du passé fasciste dans l’analyse des succès électoraux des partis populistes, les résultats deviennent plus précis et proches de la réalité, jusqu’au point où cette variable seule suffit  parfois à expliquer le succès du populisme dans certains pays.

La troisième session du colloque est articulée autour des « nouvelles initiatives mémorielles en Suisse ». FABIENNE MAYER (Fribourg) présente le projet de mémorial suisse pour les victimes du national-socialisme en revenant sur la mise en place du projet et les divers buts de ce dernier. L’initiative prend racine dans la tendance née à partir des années 1990 à créer des monuments pour rappeler la politique restrictive de la Suisse envers les réfugiés durant la Seconde Guerre mondiale. Ainsi, il s’agit de commémorer les victimes du nazisme, mais également les réfugiés refoulés aux frontières de la Suisse pendant la guerre et d’autres victimes de cette période. Le but de ce mémorial, qui sera installé à Berne, consiste à inciter le public à se pencher sur les liens entre passé et présent, et à assurer, dans la transmission de cette mémoire, qu’un accent soit mis sur le rôle et la responsabilité de la Suisse.

BARBARA THIMM (Hohenems) présente le second volet du projet de mémorial suisse pour les victimes du national-socialisme, celui d’un musée, ou « centre de médiation », qui devrait voir le jour d’ici quelques années à Diepolsdau, à la frontière entre la Suisse et l’Autriche. Le Musée juif de Hohenems, créé en 1991 à seulement quinze minutes à pied de la frontière suisse, est chargé de l’élaboration du projet. L’exposition devrait être centrée autour de la fuite des réfugiés juifs vers la Suisse durant le Second conflit mondial. Le projet s’inscrit dans une volonté de transmettre, à travers l’histoire orale notamment, des témoignages sur le thème de la Suisse et l’accueil des réfugiés issus des pays limitrophes. Ce projet, soutenu financièrement par l’Office fédéral de la culture (OFC) jusqu’en 2028, a déjà donné lieu à un colloque scientifique qui s’est tenu à la Haute école pédagogique de St-Gall.

L’intervention de FRANÇOIS VALLOTTON (Lausanne) porte sur l’attribution du Doctorat honoris causa à Benito Mussolini par l’Université de Lausanne en 1937. Cette décision, justifiée à l’époque par la création par le Duce d’une une « organisation sociale qui a enrichi la science sociologique et qui laissera une trace profonde »2, resurgit dans l’espace public au milieu des années 1970 avec la publication d’un livre de Claude Cantini, malgré le fait que l’université ait refusé à l’auteur l’accès à ses archives. Ce n’est qu’en 1987, toujours sur demande de Cantini, que l’UNIL publie un « livre blanc » qui met à disposition des matériaux archivistiques sur l’histoire de l’attribution du Doctorat honoris causa à Mussolini. La question de la révocation du titre est une nouvelle fois remise sur le devant de la scène en 2020, suite à l’interpellation d’un étudiant, amenant à la création d’un groupe de travail au sein de l’université. Celui-ci conclut que la décision de l’Université de Lausanne en 1937 a été collective et prise en toute connaissance de cause. Toutefois, plutôt que de retirer le titre, le groupe de travail invite la direction à caractériser cet épisode comme une faute commise par l’université, à encourager la recherche sur ces thématiques et à entreprendre une série d’actions mémorielles dont un colloque international et une exposition, tous deux réalisés en 2024.

JAKOB TANNER (Zürich) clôture cette série d’interventions en présentant les « Stolpersteine », un projet de l’artiste allemand Gunter Demning qui consiste à installer dans l’espace public des pavés dorés où sont inscrits les noms des victimes du nazisme et en discutant leur rôle comme catalyseurs de la mémoire. En partant de l’idée que ces pierres sont une forme de commémoration des victimes du nazisme, Tanner propose une réflexion sur la notion même de « victime » et ses implications. Le concept même étant ambivalent, il en devient problématique s’il n’est pas analysé, critiqué et remis en perspective, notamment dans son opposition avec la notion de « coupable ». En effet, selon Tanner, la figure des victimes a majoritairement tendance à être placée dans l’ombre de celle des coupables. Les « Stolpersteine » ont ainsi le mérite d’honorer les victimes sans se référer directement à leurs bourreaux.

Ce colloque international s’est terminé avec une table ronde autour de la mémoire de la Seconde Guerre mondiale en Suisse, laquelle a abordé des questions telles que l’instrumentalisation de la mémoire ou le rôle de la mémoire dans l’interprétation du conflit. Les intervenants ont convenu qu’il est important de continuer à effectuer des recherches, notamment sous le prisme de la micro-histoire, sur l’implication de la Suisse dans la Seconde Guerre mondiale, de critiquer l’image d’une Suisse isolée du reste du monde, et de transmettre au public des connaissances historiques sur le sujet.

En définitive, ce 16e colloque international d’infoclio.ch a permis de mettre en perspective l’évolution de la mémoire de la Seconde Guerre mondiale dans plusieurs pays européens et de mettre en lumière le cas de la Suisse qui, pendant des décennies, a refusé de s’aligner sur ces mémoires européennes et n’a donné que très peu de place à la réflexion sur son rôle et ses implications durant cette période. Penser les rapports entre la mémoire et l’histoire en lien avec les trajectoires socio-politiques des différents pays permet d’ouvrir de nouveaux champs d’analyse et de nouvelles perspectives dans le but de faire la lumière sur une époque actuelle qui n’en a pas fini de solder ses comptes avec la Seconde Guerre mondiale.

 


 

Notes 1 Le présent compte rendu a été réalisé sur demande de la rédaction d’infoclio.ch. 2 Libellé inscrit sur le titre officiel accordé à Benito Mussolini en 1937.


Aperçu de la manifestation. 

François Vallotton (Université de Lausanne) et Enrico Natale (infoclio.ch): Mot de bienvenue

Session 1 : Commémorer la Deuxième Guerre Mondiale : trajectoires nationales

Volkhard Knigge (Friedrich-Schiller-Universität Jena): Rolle rückwärts? Zu Renationalisierung, Reheroisierung und neuem Partikularismus in der deutschen Erinnerungskultur

Christina Späti (Université de Fribourg): Die Erinnerung an den Zweiten Weltkrieg und die NS-Zeit in der Schweiz: Kontinuitäten und Brüche

Denis Peschanski (Centre national de la recherche CNRS): Mémoire collective de la Seconde Guerre mondiale en France

Luciano Canfora (Università degli studi di Bari Aldo Moro): Quando incominciò e quando finì la Seconda guerra mondiale

Table ronde : Enjeux transnationaux et débats actuels

Denis Peschanski; Christina Späti

Modération: Regula Ludi (Université de Fribourg)

Session 2 : La mémoire entre réseaux numériques et arène politique 

Mykola Makhortykh (Universität Bern): Instrumentalisation of the Past in the Age of Android Historians. How AI (Re)write the History of the Holocaust

Luca Manucci (Universidade de Lisboa): Authoritarian Legacies and the Populist Radical Right

Session 3 : Nouvelles initiatives en Suisse

Fabienne Meyer (Universität Freiburg): Schweizer Memorial für die Opfer des Nationalsozialismus: Erinnerungsort Bern

Barbara Thimm (Jüdisches Museum Hohenems): Schweizer Memorial für die Opfer des Nationalsozialismus: Vermittlungsort Rheintal und Vernetzung

François Vallotton (Université de Lausanne): Gérer un passé sensible : le Doctorat honoris causa attribué à Mussolini par l’Université de Lausanne

Jakob Tanner (Universität Zürich): Stolpersteine als Erinnerungskatalysatoren

Table ronde : La mémoire de la Deuxième Guerre mondiale en Suisse: toujours un temps de retard ?

Hanno Loewy (Jüdisches Museum Hohenems); Carmen Scheide (Universität Bern); Gregor Spuhler (Archiv für Zeitgeschichte); Jakob Tanner; François Vallotton

Modération: Peter Hallama ( Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne )

Der Bericht erscheint in Kürze

Im Vorfeld der infoclio.ch-Tagung sind in unserem Blog eine eine Reihe von Beiträgen erschienen, die sich mit dem Gedenken an den Zweiten Weltkrieg in der Schweiz und den benachbarten Ländern beschäftigen. Autorinnen und Autoren stellen aktuelle Projekte vor, verweisen auf online zugängliche Ressourcen und bieten Einblick in Debatten und historische Betrachtungen rund um die Erinnerungskultur.

Die Gamaraal Foundation präsentiert in der Ausstellung «The Last Swiss Holocaust Survivors» Portraits von Zeitzeuginnen und Zeitzeugen, die den Holocaust überlebt haben. Die aufgezeichneten Gespräche sollen die Erinnerungen der letzten Holocaustüberlebenden in der Schweiz bewahren und so gegen das Vergessen angehen. Anita Winter, Präsidentin der Stiftung, stellt das Projekt vor. 

An der Grenze zwischen Frankreich und der Schweiz gelegen, diente das ehemalige Seminar der Missionare von Saint-François de Sales in Ville-la-Grand während des Zweiten Weltkriegs als Ort des illegalen Grenzübertritts zwischen den beiden Ländern. 2022 wurde ein öffentlicher Gedenkpfad zugänglich gemacht, der die Geschichte des Ortes und einiger prägender Persönlichkeiten in Erinnerung ruft. Nadia Mugnier, Vorsitzende des Vereins PMF74, der dieses Projekt trägt, stellt die Initiative vor. 

Stolpersteine sind kleine, im Boden verlegte Gedenktafeln, die an das Schicksal der Opfer des Nationalsozialismus erinnern. Seit 2020 sind in der Schweiz über 40 solcher Stolpersteine gesetzt worden. Jakob Tanner beschreibt in seinem Beitrag dieses von Gunter Demnig konzipierte Kunst-, Geschichts- und Erinnerungsprojekt und bettet es in den schweizerischen Kontext ein. 

Il «Percorso della Speranza» è un itinerario inaugurato nel 2023 lungo il confine tra Ticino e Italia, sulle rive del Lago Maggiore. Il suo scopo è quello di trasmettere ai visitatori la memoria di determinati eventi storici che hanno avuto luogo in questi luoghi durante la Seconda guerra mondiale. Raphael Rues e Nicoletta Mongini, ideatori dell'iniziativa, presentano gli obiettivi e le caratteristiche del progetto.

Der Verein Archimob entstand 1998 mit dem Ziel, ein Oral-History-Archiv aufzubauen und Zeugnisse über die Zeit des Zweiten Weltkriegs in der Schweiz zu sammeln und zu archivieren. Bis heute wurden 555 Zeitzeuginnen und Zeitzeugen zu ihren persönlichen, besonderen und alltäglichen Erfahrungen und Erlebnissen während des Kriegs befragt. Dominik Streiff stellt in seinem Beitrag Archimob und seine Entstehungsgeschichte vor.  

Die an Frankreich grenzende Gemeinde Thônex im Kanton Genf war zwischen 1939 und 1945 Schauplatz zahlreicher Episoden im Zusammenhang mit den heimlichen Grenzübertritten zwischen den beiden Ländern. Emilie Fischer stellt den 2022 von der Gemeinde eingeweihten Gedenkweg vor, der die Geschichte der Personen und Ereignisse nachzeichnet, die diesen Ort geprägt haben.

Im Frühling 2023 hat der Bundesrat die Schaffung eines Schweizer Memorials für die Opfer des Nationalsozialismus in Bern beschlossen. Fabienne Meyer (Universität Fribourg) und Gregor Spuhler (Archiv für Zeitgeschichte der ETZH) erläutern in ihrem Beitrag, an wen dieser nationale Erinnerungsort erinnert und welches historische Wissen dort vermittelt werden wird.

Die Partisanenrepublik Ossola, die 1944 nahe der Schweiz gegründet wurde, existierte zwei Monate, bevor die «befreite Zone» von den faschistischen Truppen gewaltsam zurückerobert wurde, was einen Exodus von Flüchtlingen in die Schweiz auslöste. Jean-Noël Wetterwald erzählt von seiner Beschäftigung mit dieser Episode und dem Buch, das daraus entstanden ist.

David Brun-Lambert und Carole Harari präsentieren die Podcast-Dokumentationsreihe «À la frontière. L'accueil des réfugié·es en Suisse, 1940-1945.» Die Reihe beleuchtet zusammen mit Historikerinnen und Historikern verschiedene Aspekte der Aufnahme von Flüchtlingen in der Schweiz während des Zweiten Weltkriegs. In den letzten beiden Episoden geht es um das Gedenken an diese Ereignisse.

Die Zurückweisung tausender jüdischer Flüchtlinge an den Schweizer Grenzen während des Zweiten Weltkriegs ist ein Thema, das lange Zeit aus dem nationalen öffentlichen Gedenken ausgeschlossen blieb. Charles Heimberg (Université de Genève) blickt auf die wichtigsten Etappen der Entstehung dieses Gedenkens, auf seine Zerbrechlichkeit und auf die Bedrohungen, denen es heute ausgesetzt ist.

Im Februar 1945 brachte ein Zug aus dem Ghetto Theresienstadt 1200 Jüdinnen und Juden, die von NS-Deutschland verfolgt wurden, nach St. Gallen. Anna VoserHelen Kaufmann und Thomas Metzger geben Einblick in das Projekt «Zug in die Freiheit» der Pädagogischen Hochschule St. Gallen (PHSG), das diese Befreiungsaktion und die Lebenswege der Geretteten untersucht und ein Vermittlungsangebot erarbeitet.

Ein Kooperationsprojekt zwischen dem Archiv für Zeitgeschichte (AfZ) und dem Verband Schweizerischer Jüdischer Fürsorgen (VSJF) sichert Nachlässe von Holocaustüberlebenden und hält Erfahrungen und individuelle Geschichten mithilfe von Interviews fest. Bettina Zangerl (AfZ) beschreibt dieses Memorial-Projekt in ihrem Blogbeitrag.

Die Archäologie hat in jüngster Zeit begonnen, sich mit den Internierungslagern des Zweiten Weltkriegs zu beschäftigen. Géraldine Delley und Virginie Galbarini (Laténium) stellen die Ausstellung vor, die das Musée d'archéologie de Neuchâtel Laténium derzeit diesem Thema widmet.

Fabienne Meyer (Fribourg) zeichnet in ihrem Beitrag die Entwicklung der Schweizer Denkmallandschaft nach. Sie beschreibt dabei einen Paradigmenwechsel, der Mitte der 1990er Jahre infolge der Bergier-Kommission einsetzte, als auch kritische Erinnerungen an die Zeit des Zweiten Weltkriegs sag- und sichtbar wurden. Und sie bezeichnet die gegenwärtige Erarbeitung eines nationalen Erinnerungsortes für die Opfer des Nationalsozialismus in der Schweiz als zweite historiographische Zäsur.

Enrico Natale (directeur infoclio.ch, Berne)

Enrico Natale evient sur les raisons qui ont présidé au choix de la thématique du colloque 2024, entre les initiatives actuelles en Suisse et les nouveaux défis posés par la montée en puissance des partis d'extrême droite en Europe

Aus historiografischer Perspektive reflektiert Francesco Scomazzon (Milano) die Ambivalenz der italienisch-schweizerischen Grenze, einer, wie er schreibt, zerbrechlichen Barriere zwischen Faschismus und Demokratie. Das Gedenken daran könne dazu beitragen, der immer noch anhaltenden Unterschätzung des Faschismus entgegenzuwirken.