Quitter Twitter, et après ?

infoclio.ch quitte Twitter. Pas de quoi s'applaudir, la plupart des membres de notre communauté professionnelle l’ont fait depuis au moins trois ans, dès le rachat en 2022 par Elon Musk du service de mico-messagerie. 

Nous avons tardé. Soucieux de remplir notre mission institutionnelle de diffusion d’information sur la recherche historique en Suisse, nous sommes restés accrochés à l’adage: porter l’information là où sont les usagers. Même lorsque la tendance à l’agnotologie de Twitter, rebaptisé X, est devenue palpable, nous avons encore essayé de nous convaincre que nos informations représentaient un contre-poids bienvenu parmi les contenus de plus en plus futiles de la plateforme.

Puis nous avons finalement jeté l’éponge. Pas seulement parce qu’Elon Musk a été chargé par Donald Trump de démanteler l’administration publique fédérale des États-Unis. Pas seulement parce qu’il a instrumentalisé sa plateforme pour s’immiscer dans le débat politique européen en faveur des partis d’extrême droite, comme lors du fameux entretien en direct du 10 janvier 2025 avec la présidente de l’AfD en amont des élections en Allemagne. 

Il est devenu pratiquement impossible de recevoir et de partager des informations pertinentes sur Twitter. Le fil d’actualité est réduit à peau de chagrin, les interactions sur nos contenus sont à zéro, et l’immense majorité du public intéressé a déserté les lieux depuis longtemps. Nous avons donc téléchargé une archive des milliers de Tweets envoyés depuis juillet 2010, et so long, Twitter

Dans l’intervalle, la fête semble s’être déplacée sur LinkedIn. Sur nos fils d’actualité, les activités professionnelles des collègues sont foisonnantes, les billets se bardent de petites pastilles colorées signalant des interactions, et la publicité n’est pas trop visible. Tout semble fonctionner au mieux dans le meilleur des mondes. Pour les individus, surtout; la plateforme permet certes de créer des pages pour les institutions, mais on sent bien qu’ici l’individu est roi. 

On reste surtout enfermés dans le pré carré des géants de la tech. Je n'apprends rien à personne en rappelant que LinkedIn appartient à Microsoft (qui l’a rachetée en 2016 pour 16 milliards de dollars, selon Wikipedia). Même si les propriétaires des lieux sont un tantinet plus fréquentables qu’Elon Musk - et encore, tout le monde ne sera pas d’accord - le problème reste fondamentalement le même. 

Une plateforme privée, qui offre ‘gratuitement’ un service de communication contre un accès sans limite aux données de ses utilisateurs, qui sont ensuite exploitées à des fins d’analyse, de surveillance ou de lucre, ou revendues au plus offrant, le tout contrôlé de manière centralisée par des algorithmes opaques et régulièrement modifiés. Un système fermé, qui barre l’accès aux chercheurs qui voudraient analyser les interactions qui y prennent place. (Qui se rappelle de l’enthousiasme pour les analyses de réseaux basées sur les données de Twitter avant que l’accès aux données de la plateforme ne soit verrouillé ?)

Bref, nous sommes  très loin d’un service d'information scientifique numérique idéal. Et il en va exactement de même avec Facebook, Instagram, ou le petit nouveau Bluesky. Ce dernier, bien que né d’une volonté d’utiliser un protocole ouvert (comme par exemple celui d’internet, TCP-IP), est devenu dans les faits, toujours selon Wikipedia, un clone de Twitter, simplement en plus petit, et dans les mains d’autres propriétaires, eux aussi américains. 

Dans ce panorama bigarré mais morose, certains ingénieurs progressistes ont développé, il y a des années déjà, des solutions alternatives, regroupées sous le nom Fediverse. Il s’agit d’applications open source, qui fonctionnent de manière décentralisée, c’est-à-dire que le service est basé sur plusieurs serveurs, gérés de manière autonome, mais reliés entre eux par un protocole ouvert, un peu comme internet. Dans le domaine de la micro-messagerie, l’une des alternatives issues du Fediverse s’appelle Mastodon. infoclio.ch a donc ouvert un compte Mastodon, sur le serveur FeDiHum de nos collègues allemands de l’association Digital Humanties deutschsprachiges Raum, qui en assure généreusement la maintenance technique et en portent les coûts. 

Voilà  une solution technique qui n’est pas dans les mains de géants industriels, qui fonctionne de manière transparente, et sans publicité. Une vraie solution adaptée aux besoins de la communication scientifique déclinée en 500 caractères. La nature décentralisée du réseau rend la navigation un peu moins intuitive, mais que diable ! C’est une bonne solution. 

Beaucoup de personnes l’ont déjà compris, et le réseau Mastodon croît rapidement, en particulier dans les milieux académiques. Des guides sont disponibles pour vous aider à commencer (notamment celui rédigé par Mareike König explicitement à l'attention des historiennes et historiens, ou encore celui-ci en Français ou celui-là en Anglais). Et même si nous sommes encore loin du compte des abonnés atteint sur Twitter, du moins, le temps investi à publier les nouvelles et à développer le réseau sert un espace de communication éthiquement défendable, qui ne condamne pas ses utilisateurs à servir les intérêts de tiers à leur insu. 

Pour qui ne fréquenterait pas la jungle des réseaux sociaux, nous renvoyons volontiers vers nos autres supports de communication faits maison, pour lesquels toute la chaîne de production est sous notre contrôle, comme notre site web, notre newsletter, ou encore les flux RSS de nos offres d’emploi, des manifestations ou de ce blog