Von Fussnoten, entlegenen Orten und der Frage nach Alternativen. Geschlecht und (Un-)Sichtbarkeit in der Zeitgeschichte

Autor / Autorin des Berichts
Izabel
Barros
Zitierweise: Barros, Izabel: Von Fussnoten, entlegenen Orten und der Frage nach Alternativen. Geschlecht und (Un-)Sichtbarkeit in der Zeitgeschichte, infoclio.ch Tagungsberichte, 07.08.2025. Online: <https://www.doi.org/10.13098/infoclio.ch-tb-0332>, Stand: 08.08.2025

Responsabilité : Barbara Lüthi

Intervenantes et intervenants : Simone Derix / Barbara Lüthi

Commentaire : Patricia Purtschert

Dans l'histoire contemporaine, les approches de genre ont encore du mal à s'imposer dans les grandes synthèses. Le panel propose de dépasser l’opposition entre visibilité et invisibilité en explo­rant leurs formes graduelles. À travers l’analyse des pratiques de reconnaissance ou d’effacement, les intervenantes questionnent les conditions qui rendent certains acteurs, récits ou savoirs pré­sents, ou absents, dans l’écriture de l’histoire.

SIMONE DERIX (München) rappelle que l’invisibilité, souvent perçue comme une forme de discrimina­tion, marque la mémoire des groupes sociaux, notamment à travers l'historiographie. Derix propose de dépasser l'idée qu'elle découle simplement d'un manque de sources, en explorant les façons dont les historiens et historiennes peuvent la traiter afin d'enrichir les récits. Malgré les apports majeurs des études de genre, leur intégration dans les grandes synthèses reste limitée. L'auteure identifie deux procédés d'invisibilisation, dont le premier, « faire référence sans vraiment tenir compte » (Referenzierung bei gleichzeitiger Nichtbeachtung), est illustré par le travail de Christina von Hodenberg sur les mouvements contestataires des années 1968 en Allemagne de l'Ouest.1

Le deuxième procédé, que Derix appelle « marginalisation par citations sélectives » (Marginalisierung durch selektive Zitationen), est illustré par ses propres recherches sur un réseau transatlantique, comprenant des figures telles que l'américaine Mary Ellen Washburn, militante de premier plan de la gauche communiste en Californie dans les années 1920-1940. Bien qu'elle ait joué un rôle essentiel dans la mise en réseau de différents milieux, Washburn est systématiquement reléguée à l'arrière-plan dans l’historiographie. Derix montre comment de simples choix narratifs, comme mettre l'accent sur une citation ou la passer sous silence, peuvent déplacer une figure du premier au second plan. De plus, la figure de Mary Ellen Washburn illustre un autre phénomène, que Derix nomme « (in)visibilité relationnelle », et qui consiste à (in)visibiliser les actions qui s'inscrivent dans des dynamiques sociales et relationnelles. Les acteurs historiques eux-mêmes mobilisent parfois l’(in)visibilité relationnelle comme stratégie. Derix donne l’exemple de Hilde Thurnwald, une ethnologue allemande, souvent présentée en tandem avec son mari. À partir d'une analyse minutieuse de leur correspondance, Derix montre comment Thurnwald a exploité cette association à son avantage de manière intentionnelle. L’historienne souligne l’importance de considérer les personnages historiques, en particulier ceux et celles invisibilisés, dans toute leur complexité, condition qui permet d'accéder à une compréhension plus fine des structures et dynamiques sociales. Pour Derix, il revient aux historiennes et aux historiens de décider quelles questions poser, quels matériaux mobiliser, quelles perspectives adopter et comment présenter leur objet d'étude. Beaucoup de ces choix sont opérés de manière implicite : les rendre explicites est un geste essentiel.

BARBARA LÜTHI (Leipzig) introduit un projet de recherche en cours, qui examine les débats actuels autour des notions de « wokisme », de « cancel culture » et d’« idéologie du genre » aux États-Unis, en Allemagne et en Suisse. Elle souligne que ces termes sont devenus des marqueurs politiques puissants, souvent alimentés par des dynamiques de ressentiment, et utilisés pour attaquer la démocratie et le débat public. Les controverses académiques ne relèvent donc pas uniquement du champ scientifique, mais incarnent des mouvements sociaux qui mobilisent la science à des fins politiques, un phénomène qui touche également des domaines tels que la recherche climatique. Parmi les stratégies rhétoriques utilisées dans ces polémiques, Lüthi identifie le « problème de proportionnalité » : des cas isolés sont amplifiés rhétoriquement pour faire croire à une censure généralisée dans les milieux académiques. Ces récits s'appuient souvent sur des anecdotes peu vérifiables utilisées pour stigmatiser les universités en tant que foyers d'idées « dangereuses ». Lütti analyse les stratégies rhétoriques des « guerres culturelles » : la maximalisation, le renversement des rôles victime-agresseur et l'instrumentalisation de l'oubli historique. Ces procédés, largement exploités par les médias et les acteurs politiques, affaiblissent la critique sociale et créent un climat de « science attaquée », dans lequel l'émotion l'emporte sur l'analyse rigoureuse. Elle montre que les attaques contre les études de genre s’inscrivent dans l’évolution d’un discours antiféministe vers une dénonciation de l’« idéologie du genre », souvent associée à des critiques anti-migratoires, comme le « fémonationalisme ». Ces discours ne proviennent plus seulement des milieux conservateurs, mais également de cercles bourgeois et libéraux. Elle souligne également les ambiguïtés de l'hypervisibilité sur les réseaux sociaux, où certaines campagnes oscillent entre affirmation collective, récupération commerciale et critique de la performance militante, faisant ainsi émerger de nouvelles formes de (in)visibilisation.

Dans son commentaire, PATRICIA PURTSCHERT (Berne) revient sur la notion de « faire référence sans vraiment tenir compte » et mobilise les travaux de Kathrin Mayer, qui critique l'approche « add women and stir » (ajouter des femmes et remuer) — une inclusion des femmes dans des récits existants sans remise en cause de leurs structures. Elle évoque le consensus suisse autour de l'exclusion des femmes au XXe siècle, révélée lors du 50e anniversaire du suffrage féminin, et considère que cela constitue un appel à repenser le concept même de démocratie. Selon elle, cette relecture structurelle est essentielle pour l’écriture historique et les luttes contemporaines, en particulier celles des personnes migrantes. Purtschert insiste sur l'importance de replacer les actions des femmes dans un contexte patriarcal afin de mettre en lumière les conditions structurelles qui influencent les parcours féministes. En réponse à Lüthi, elle établit un lien entre les attaques contre les études de genre et celles visant les études postcoloniales, notamment en Suisse, dans le contexte du conflit israélo-palestinien. Elle évoque également la réaction de plusieurs centres de recherche en Allemagne face aux menaces de fermeture proférées par l'AfD, dénonçant une atteinte à la fois aux études de genre et à la liberté académique. Selon elle, il est essentiel de maintenir une tension entre défense et critique interne : les concepts de « genre » ou de « wokisme », bien qu’attaqués de l’extérieur, doivent rester des objets d’interrogation et de débat au sein des sciences sociales. Rappelant l’histoire complexe du terme « genre », issu des recherches sur la sexualité et réinvesti par le féminisme, elle conclut que les offensives anti-genre ne menacent pas uniquement une discipline, mais qu'elles fragilisent plus largement la possibilité d'un travail scientifique rigoureux en le soumettant à une politisation et à une émotionnalisation constantes.

Ce panel a offert une réflexion stimulante sur les mécanismes d'(in)visibilisation dans l'écriture de l'histoire. Derix a mis en lumière des stratégies narratives subtiles d'effacement, tandis que Lüthi a analysé l'usage politique de concepts tels que le « wokisme ». Enfin, Purtschert a rappellé que défendre les études de genre implique également de les soumettre à une critique interne, une vigilance d'autant plus nécessaire face aux attaques qui fragilisent la recherche dans son ensemble.

Aperçu du panel :

  • Simone Derix : Read Between the Lines: Historiographische Praktiken des graduellen Ausblendens und Herausschreibens
  • Barbara Lüthi : Gender und Wokeness: Hypervisibility Meets Invisibility
  • Patricia Purtschert : Kommentar | Commentaire

Notes:
  1. 1

    Hodenberg Christina von, « Writing Women?s Agency into the History of the Federal Republic », Central European History 52 (1), 2019, JSTOR, pp. 87‑106.


Ce compte rendu fait partie de la documentation infoclio.ch des 7es Journées suisses d’histoire.

Veranstaltung
Siebte Schweizerische Geschichtstage
Organisiert von
Schweizerische Gesellschaft für Geschichte
Veranstaltungsdatum
-
Ort
Luzern
Sprache
Deutsch
Art des Berichts
Conference