« Débile », « dépravée », « méritante » : perception et soutien des mères célibataires dans les dossiers du Service de l’assistance publique valaisanne (1929-1970)

Le XXe siècle en Suisse connaît une modification de la législation concernant les enfants illégitimes dans le Code civil suisse de 1907. Du statut de parias, hérité du code Napoléonien, les mères célibataires passent à l’image de la mère courageuse et volontaire. Si, au début du siècle, les recherches en paternité sont rendues pratiquement impossibles, la nouvelle législation en vigueur sur la filiation en 1976 change la donne. Les recherches en paternité sont facilitées, les tests sanguins puis ADN sont utilisés, la mention d’illégitimité sur les documents officiels disparaît. Cette modification de la perception des situations d’illégitimité ainsi que de la législation laisse penser qu’il s’opère au cours du siècle une transition à l’échelle nationale. Ce changement de perception est-il palpable pour le Valais, souvent dépeint comme un canton conservateur, rural et très catholique ? En nous appuyant sur les dossiers du Service de l’assistance publique du canton du Valais (1929-1970), concernant des mères célibataires et des enfants illégitimes, nous avons analysé la perception des mères célibataires et le secours qui leur est accordé. Une différence nette est apparue entre les différent·e·s acteur·rice·s de l’assistance. Les communes d’origine et le Service de l’assistance publique sont plus souvent motivés par les arguments pécuniaires et les stéréotypes négatifs attachés aux mères célibataires, tels que ceux de la dépravation morale et des déficiences mentales. Les solutions qui en découlent sont souvent radicales et peu compréhensives: séparation, adoption, internement sont souvent saisis. D’autres intervenant·e·s se montrent plus compréhensif de la situation d’illégitimité. Les travailleur·se·s sociaux·les et les psychiatres, bien qu’ils soient les premiers à poser le diagnostic de déficience mentale, cherchent principalement le bon développement de l’enfant qui ne peut se faire qu’auprès de sa mère selon les théories psychiatriques en vogue dès les années 50. Deux établissements valaisans dédiés en partie aux mères célibataires et à leurs enfants (la Pouponnière valaisanne et le Providence de Sierre) vont s’impliquer dans la promotion d’une image de la mère célibataire moins négative et vont proposer diverses solutions de soutien pour que les enfants soient gardés et que les mères puissent travailler. Ces différent·e·s intervenant·e·s témoignent de différentes perceptions de la mère célibataire. Les interventions plus positives contribuent tout de même, dans les années 60, à une diminution des cas d’assistance pour les mères célibataires et à l’émergence d’une image moins négative.