Une histoire de la gymnastique et du cyclisme en Suisse (1848-1914) Inventer, politiser et sportiviser des pratiques suisses d’exercice corporel : une synthèse tradition-modernité

Cette thèse s’inscrit directement dans le titre du projet FNS : « La Fabrique des sports nationaux – Les élites du sport suisse et l’institutionnalisation d’un champ sportif suisse (années 1860 – 1930) ». Elle postule que le concept de « sport national » se développe dans la Suisse du XIXe siècle sur la base d’une construction rhétorique et institutionnelle s’enracinant dans les associations réunies autour de l’exercice physique alors en lutte pour leur affirmation à l’échelle du jeune Etat fédéral. En considérant la gymnastique et le cyclisme suisses comme des « laboratoires d’un nationalisation sportive », il s’agit de montrer que l’idée d’une pratique sportive nationale, avec toute l’idéologie patriotique et les enjeux de pouvoir associés, est émaillée, dans les faits, des grandes lignes de tensions inhérentes au contexte politique et culturel helvétique d’après 1848, du fédéralisme à la question linguistique en passant par le choc des idéologies, entre tradition et modernité. Dans notre travail, la dynamique de « nationalisation » de nos pratiques sera jaugée selon les critères suivants :  Fondation d’une association faîtière nationale  Présence d’associations concurrentes sur le plan national ou régional  Dissensions internes dans les associations  Etendue de l’influence des dirigeants des associations (politique, pédagogie, armée…)  Existence d’une fonction paratétatique au sein des pratiques (rôle de formation, rôle militariste, rôle de soutien administratif à l’Etat…)  Mise sur pieds de Championnats suisses et de rassemblements d’envergure nationale  Place occupée par les pratiques dans le récit national  Ampleur de la couverture territoriale de la pratique  Nombre de pratiquant.e.s à l’échelle du Pays  Médiatisation et poids économique Notons que nos objets présentent tous deux des faîtières dont le spectre national est longtemps disputé ainsi que des ramifications avec la politique fédérale (notamment au niveau de l’armée). De plus, dans une singulière synthèse tradition-modernité, il faut relever, en particulier en Suisse alémanique, des influences entre la gymnastique, alors en place depuis plusieurs décennies, et le cyclisme qui connait un développement accru à partir des années 1880. A travers les aspects qui viennent d’être énoncés, nous considérons l’étude conjointe de la gymnastique et du cyclisme comme un cadre privilégié pour rendre compte de la complexité de la société suisse de la 2e moitié du XIXe et du début du XXe siècle, cadre qui permet également d’apporter du relief à la « modernité sportive » s’y manifestant.