Tipo di ricerca
Dottorato
Stato
abgeschlossen/terminé
Cognome del docente
Prof.
Brigitte
Studer
Istituzione
Historisches Institut
Luogo
Bern
Anno
2012/2013
Abstract
Depuis l'ouverture des archives soviétiques au début des années 1990, les historiens ont pu profiter de documents inédits leur permettant de restituer le fonctionnement du cercle du Kremlin durant la période stalinienne, notamment dans une perspective d'histoire politique. La présente recherche, elle, traite dans une perspective d’anthropologie historique des rapports de pouvoir, sous l'angle du genre, au sein du Kremlin sous Staline, plus particulièrement dans le premier cercle autour de ce dernier. Ce microcosme représente pour l'historiographie un cas exemplaire d'un lebenswelt soviétique où vie privée et vie politique s'entremêlent de manière permanente. En particulier, l’analyse porte sur les rapports de pouvoir en jeu et les mécanismes qui se déploient lors de cas d’exclusion de membres du cercle du Kremlin. Comment les acteurs gèrentils les liens interindividuels de genre lors de ces moments d’exclusion ? Quelles présentations de soi genrées actualisent-ils pour tenter de maintenir ou asseoir leur place dans le groupe ? Comment, dans ce cercle situé au centre du pouvoir, se construit et se reconstruit la différence de genre, alors même que le discours officiel du parti postule l'égalité des sexes comme étant acquise ? Pour répondre à ces questions, cette recherche s’appuie principalement sur les egodocuments produits par les acteurs historiques : correspondances, journaux „ intimes “ (dnevniki) autobiographies, petits mots échangés (zapiski), photographies.
L'attention est plus particulièrement portée sur quatre moments d'exclusions du groupe stalinien où le genre est une catégorie d'analyse centrale et qui représentent le cœur de la recherche : les exécutions de Nikolaï Boukharine (1938) et de Nikolaï Ejov (1940), la déportation de Polina Jemtchoujina Molotova (1948) et l’autoexclusion du couple Kliment et Ekaterina Vorochilov (1946-1953). Y sont reconstitués les présentations de soi genrées (masculinité et féminité) et les liens interindividuels de genre, en appréhendant divers thèmes, comme l’expression des émotions, les pratique corporelles (par exemple la pilosité), la santé, la sexualité, l’alcoolisme, la chasse, les enfants, entre autres.
L’analyse détaillée de ces affaires permet, en premier, lieu d’apporter un éclairage supplémentaire dans la compréhension du phénomène de la violence dans le cercle du Kremlin sous Staline, en y montrant sa composante genrée. Des exécutions de la seconde moitié des années trente à l’auto-exclusion en passant par les déportations des épouses durant la période d’après-guerre, l’analyse montre que, dans les relations interindividuelles de genre, la disparition physique des femmes du Kremlin change la donne en ce qui concerne les relations hommes-femmes, mais également les relations hommes-hommes, permettant à Staline de devenir le „ Maître de la maison “ ; mais les mécanismes de violence agissent également sur les présentations de soi genrées, en définissant les manières d’être „ homme “ ou „ femme “ au Kremlin, ces manières de déclinant sous plusieurs formes. En second lieu, l’analyse permet de reconstituer la structure intime du cercle et de resituer dans ce dernier Staline en tant qu’homme. En reconstruisant trois temps dans les rapports entre Staline et son cercle (le temps de l’amitié, le temps de la terreur, le temps de la solitude), l’analyse montre l’évolution de la virilité de Staline : si elle est influencée par les relations qu’il entretient avec les membres du cercle, elle influe également sur ces dernières. Du séducteur et du père de jeunes enfants au vieillard solitaire, Staline a fini par imposer sa vision conservatrice des rapports de genre dans le cercle dirigeant, une vision qui se reproduit jusqu’à nos jours en Russie.