Les pratiques orales dans le nouveau cinéma du Nigéria (Nollywood). Quand la tradition rencontre les nouvelles technologies.

Ce travail de thèse vise à discuter, sur un plan historique et théorique, la notion de « pratiques orales » au cinéma, et à examiner dans quelle mesure cette notion peut être productive pour rendre compte des spécificités d’une production nationale, le cinéma de Nollywood. En effet, ce dernier se réclame notamment de la littérature nigériane, fortement inscrite dans une tradition de pratiques orales. Il s'agira dans un premier temps de retracer les grandes étapes de la naissance de Nollywood qui se situe entre la fin des années 1980 et le début des années 1990, et de dégager le rôle des principaux acteurs pionniers de cette industrie unique au monde. Pour compléter les sources existantes, un travail sera mené sur le terrain sous la forme d’entretiens afin de disposer de témoignages permettant de discuter l’impact des évolutions technologiques sur le travail des cinéastes, scénaristes et techniciens nollywoodiens, et éventuellement les changements survenus en terme de restitution de l'oralité dans leurs films. On montrera notamment quelle position ces cinéastes adoptent par rapport au cinéma d'auteur nigérian, quant à lui plutôt tributaire de financements étrangers et destiné à un public moins populaire. Au vu de l'expansion croissante de Nollywood, l’étude de ses liens avec des industries « jumelles » telles que Bollywood et l’examen de ses modes de diffusion s’imposent – qu’il s’agisse de la place dans les festivals ou, surtout, de l'essor sur le web. Avant de s'installer sur le web grâce à la VOD et le streaming, il s’agissait d’une production restreinte à la consommation en « home vidéo » d’un public local ; la distribution des vidéos a ensuite dépassé le cadre des frontières nigérianes pour inonder toute l'Afrique, et enfin s'exporter vers les diasporas africaines d'Occident. Le cinéma nollywoodien constitue par conséquent une étude de cas tout à fait privilégiée pour développer une réflexion sur les transferts entre échelles locale et globale ainsi que sur la persistance de pratiques traditionnelles à l’ère du numérique.