«Je voulais simplement faire revenir mes règles» Essai de reconstitution des parcours d’avortement des Fribourgeoises saisies par la justice et de leurs représentations de l’avortement (1930-1970)

Cognome dell'autore
Morgane
Pochon
Tipo di ricerca
Tesi di master
Stato
abgeschlossen/terminé
Cognome del docente
Prof.
Anne-Françoise
Praz
Istituzione
Histoire contemporaine
Luogo
Fribourg
Anno
2017/2018
Abstract
Ce travail de Master cherche à amener un nouvel éclairage à l’histoire de l’avortement en Suisse en orientant le regard sur les parcours des femmes saisies par la justice fribourgeoise pour avoir choisi d’interrompre leur grossesse, ainsi que sur leurs représentations de cette pratique. Les sources utilisées pour reconstituer ces vécus individuels et ces imaginaires sont les dossiers judiciaires du Tribunal de la Sarine traitant des « crimes » d’avortement entre les années 1930 et 1970. Cette étude cherche à comprendre pourquoi ces femmes prennent la décision d’avorter, malgré les coûts élevés (pénaux, moraux, psychiques, sanitaires, etc.) qui en découlent. Quelles sont leurs motivations et leurs craintes ? Comment parviennent-elles à accéder à une pratique, réprimée tant pénalement que moralement ? Quel est leur imaginaire sexuel et en quoi peut-il amener des réponses aux spécificités des parcours ? L’approche micro-historique adoptée a permis de révéler des résultats tout à fait intéressants et parfois très surprenants. Face à l’impossibilité pour ces femmes de poursuivre leur grossesse, elles ont fait un choix en faveur de l’avortement. Or, nous avons constaté que si la transgression des contraintes abortives leur coûte non seulement moins qu’une naissance, elle leur coûte également moins que la transgression des contraintes contraceptives, grâce au développement de stratégies (conscientes ou non) permettant de diminuer les coûts de l’avortement : un accès à l’interruption de grossesse facilité par une morale populaire la tolérant ; une qualification de la pratique dénuée de toute connotation émotionnelle ou criminelle, faisant ainsi baisser les coûts psychiques ; une négation de la fécondation au profit de l’expression « faire revenir les règles », abaissant les coûts émotionnels et d’accès ; un recours à l’avortement le rapprochant d’une forme de contraception a posteriori, au profit d’une baisse des coûts émotionnels notamment. Notre recherche a également révélé une pratique loin d’être exclusivement féminine. Alors que l’historiographie de l’avortement parle souvent d’une affaire de femmes, par opposition à la contraception souvent qualifiée de masculine, notre analyse nuance cette distinction en révélant des échanges entre les sexes, de la collaboration et des hommes impliqués dans le processus abortif. Ces spécificités semblent néanmoins propres à un milieu social populaire qui expérimente les mêmes conditions de vie et de contraintes : au niveau de la misère mais aussi de l’absence d’information anticonceptionnelle. En effet, l’avortement éclaire a posteriori les problèmes de la contraception. Ces Fribourgeoises et Fribourgeois ont su s’adapter aux contraintes qui pèsent sur leur quotidien et sur leur sexualité. Par la mise en place de stratégies, les individus parviennent à atteindre leur objectif de maîtrise de la fécondité, tout en contournant et en limitant les coûts qui en découlent. Ainsi, cette étude permet aussi d’illustrer de quelle manière, par un processus d’ajustement, les individus même les plus défavorisés parviennent à composer avec les contraintes qui les entourent, en fonction de leurs perceptions et de leurs opportunités, afin d’assurer un certain mieux-être.

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