CfP: Comment enseigner le genre en médecine et santé ? Enjeux méthodologiques et défi de l'interdisciplinarité

14. November 2025
Appel à communication

Dans le cadre du PNR83 Gender and Clinical Practice: an Interdisciplinary Exploration of Clinical Cases nous avons le plaisir de vous transmettre cet appel à communication.

Dans la seconde moitié du XXe siècle, l’introduction de la notion de genre dans les SHS et dans les sciences médicales (Money, 1955 ; Stoller, 1968 ; Oakley, 1972) a restitué de la complexité à la notion de sexe, tout en produisant des effets ambivalents, notamment la production d’une dyade sexe/genre et un clivage entre biologique et social (Löwy, 2003 ; Fassin, 2008). Parmi les différents usages du genre dans la santé, on peut repérer des traditions distinctes : les études de genre francophones qui préfèrent parler de « genre, sexe et sexualités » (Dorlin, 2008) ; l’épidémiologie sociale qui considère le genre comme un déterminant social de la santé (Miani et al., 2021) ; la « médecine de genre » qui utilise les notions de genre/sexe et de biais de genre (Lippi et al., 2020 ; Peters et Woodward, 2023); la « Geschlechtersensible Medizin » en Allemagne qui utilise la notion de genre sans la nommer car elle est jugée trop polémique (Dunkel and Seeland 2024) ; l’approche « Sex as a biological variable » qui émane du mandat américain du Bureau de recherche sur la santé des femmes (ORWH) qui timidement intègre parfois la notion de genre. Ces approches se chevauchent souvent, hybridant ainsi les usages de ces concepts.

Par ailleurs, certain·es proposent de recourir à la notion d’intersectionnalité afin d’inclure les autres dimensions sociales – classe sociale, ethnicité, âge, etc. – qui façonnent les effets du genre sur la santé (Subramaniapillai et al., 2024), là où d’autres s’attaquent à la complexité sociale de la notion de sexe (Pape et al., 2024). Certain·es décrivent le risque d’un usage limité du genre restreint à l’identité de genre au détriment des dimensions structurelles et systémiques du genre (Göttgens and Ortelte-Prigione, 2023).

L’hétérogénéité épistémologique des concepts rend difficile, voire problématique, le dialogue tant entre professionnel·les de santé qu’entre disciplines scientifiques, entérinant de nouveaux stéréotypes dans la recherche, la pratique clinique et l’enseignement. Dans le domaine médical en particulier, en dépit des discussions critiques sur la distinction entre le sexe et le genre, celle-ci tend à être maintenue, même si ces notions sont parfois confondues, le genre étant parfois assimilé avec le sexe, et il s’avère souvent difficile d'opérationnaliser les discussions sur le système sexe/genre dans la recherche et l'enseignement. L’historienne Joan W. Scott avait prophétisé avec inquiétude la fin du genre comme outil critique (Scott, 2011; Arena, 2021) : avons-nous atteint le stade de la dystopie du genre ?

Le dialogue interdisciplinaire est cependant nécessaire pour enseigner le genre et les inégalités sociales de santé aux soignant·es, et cela requière de la part des SHS et de la médecine une certaine adaptation de ses concepts ainsi qu’une ouverture au compromis pour favoriser le dialogue. Comment également harmoniser les pratiques pédagogiques sans établir un régime de vérité sur le genre ?

Sexe et genre : la difficile distinction entre biologique et social
Dans une approche théorique, le sexe et le genre caractérisent respectivement ce qui relèverait du biologique (le sexe chromosomique, gonadique, anatomique et physiologique) ou du social (les comportements, l’expression des identités, etc.). Dans la pratique clinique restituée lors de l’enseignement, cette distinction apparaît complexe et difficile, révélant les limites conceptuelles de ce clivage épistémologique. Bien que ces catégories analytiques soient initialement destinées à rendre plus clairs certains facteurs expliquant l'étiologie ou le développement de maladies pour la recherche, lorsqu'elles sont enseignées en médecine, la manière dont ces notions distinctes sont ensuite mobilisées dans la pratique clinique est confuse. De quelles manières cette distinction et sa complexité se manifestent-elles dans la pratique clinique ? Quelles sont les freins à l'opérationnalisation de la notion de sexe/genre dans l’enseignement et dans la clinique ?

Le genre, l’identité de genre et les questions LGBTQIA+
Dans le domaine de la recherche biomédicale, la notion de genre est souvent confondue avec celle de l'identité de genre. L'identité de genre est par ailleurs souvent conçue comme renvoyant principalement aux femmes et aux personnes trans et non binaires, et par amalgame aux minorités sexuelles. La conception individualisante de la notion de genre risque alors de conduire à évacuer les composantes sociales du genre et à médicaliser les sexualités.

Le concept d’« identité de genre » a progressivement façonné la manière de penser la notion de genre, produisant un effet paradoxal : la confusion entre la notion de genre et celle d’identité de genre et favorise le stéréotype selon lequel les questions de genre sont produites par les sociétés modernes, sans être des concepts clés pour la santé. Le concept de genre est dans ce cas invisibilisé par la catégorisation d’un groupe auquel on attribue par ailleurs la qualification de minorité.

Le genre comme déterminant social de la santé est rarement abordé dans l'enseignement et les inégalités sociales de la santé sont traitées séparément. L’injonction à enseigner le genre dans les facultés de médecine produit une nouvelle médicalisation des sexualités. Que veut donc dire aborder le genre en médecine ? Qu'est-ce que l'enseignement du genre en médecine fait à la définition du genre ?

Former les enseignant·es au genre : un impensé
L’enseignement des questions de genre dans les facultés et écoles de sciences médicales reste dépendant d'initiatives individuelles et institutionnelles locales (Plaquevent, 2024 ; Legros-Lefeuvre et al 2021). Dans le contexte français, ces enseignements sont confiés principalement à des scientifiques issus des SHS, tandis qu'en Suisse ce sont largement des médecins qui s'en chargent. La formation des enseignant·es aux questions de genre ne fait pas l'objet d'institutionnalisation, et toute personne sensibilisée et bien intentionnée peut enseigner le genre en faculté de médecine. Les travaux existants sur l’enseignement du genre en médecine suggèrent cependant que les enseignant·es peuvent faire preuve de préjugés sexistes, ou encore que les enseignants hommes peuvent se montrer moins enthousiastes à l’idée d'intégrer ces questions dans les programmes de leurs enseignements (Risberg et al., 2019). Des enquêtes menées auprès d’étudiant·es en médecine ont montré que les étudiants de sexe masculin ont tendance à adopter un mode de pensée plus stéréotypé et moins sensibles aux questions de genre (Andersson et al., 2012 ; Rrustemi et al., 2020). Ils manifestent moins d’intérêt pour les cours qui abordent ces questions dans le domaine de lsanté (Böckers et al., 2019). D’autres recherches, adoptant une méthodologie réflexive, montrent que la classe sociale vient ajouter un élément d’analyse dont il faut tenir compte (Arena et al., 2023).

Quelles initiatives d'enseignement existent aujourd'hui dans les facultés de médecine ? Quelles sont les contraintes institutionnelles à l'implémentation des enseignements sur le genre en médecine ?

Cet appel est ouvert à toute personne impliquée dans la formation en santé. Nous souhaitons vivement promouvoir un dialogue multidisciplinaire afin de réfléchir collectivement aux besoins et aux meilleures pratiques en matière d'enseignement sur le genre dans les domaines de la santé et de la médecine.

Calendrier
Propositions : 14 novembre 2025 : une page, avec courte biographie incluse.
Toutes les langues sont acceptées.
en CC à :
francesca.arena@unige.ch,
Eleonore.Crunchant@unisante.ch
blanche.plaquevent@sciencespo.fr
Joelle.Schwarz@unisante.ch


Sélection : 8 décembre 2025

Organisiert von
Université de Genève

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Kosten

CHF 0.00