Le Parcours Mémoriel du Mur de la Frontière 74 (PMF74), situé à Ville-la-Grand en Haute-Savoie, est une initiative inspirée par l’histoire singulière de l’établissement scolaire Saint François. En effet, au cours de la Seconde Guerre mondiale, cette école, sise sur la frontière entre la France et la Suisse, est devenue un important lieu de passage clandestin, par lequel plusieurs centaines de personnes sont passées vers la Suisse.
L’association PMF74 a été créée en 2022 grâce à la volonté collective de l’équipe de pastorale, de la direction, de professeurs, d’élèves et de leurs parents, qui souhaitaient préserver et transmettre la mémoire des actions courageuses menées par quatre missionnaires de l’école pendant la Seconde Guerre mondiale. L’initiative a pris forme autour de la réhabilitation de lieux symboliques au sein même de l’établissement comme la cabane du frère Raymond Boccard, ancien jardinier de l’école et figure importante de la résistance, et le mur du groupe scolaire marquant la frontière entre la France et la Suisse.

Le mur du Juvénat et ses barbelés d'origine. Crédit photo : PMF74.
Le parcours, conçu sous forme de 16 panneaux explicatifs, est organisé en quatre pôles thématiques :
Le premier pôle présente l’histoire du Juvénat de Ville-la-Grand et la figure du frère Boccard, dont le rôle de guetteur a permis d’aider de nombreuses personnes à franchir la frontière. Le deuxième pôle contient des cartes et données illustrant les itinéraires des réfugiés (résistants, réfractaires au Service du travail obligatoire (STO), et Juifs en fuite) et les voies d’accueil chrétiennes en Haute-Savoie. Ces cartes, accompagnées de frises chronologiques retraçant les grandes étapes de la guerre, révèlent des informations précieuses sur les mouvements de réfugiés et la politique d’accueil en Suisse. Le troisième pôle rend hommage au Révérend Père Louis Favre, résistant dont le destin tragique symbolise le sacrifice pour la liberté. Situé de l’autre côté du mur, en Suisse, le quatrième pôle met en lumière la politique d’accueil des réfugiés et l’évolution de cette mémoire au-delà de la frontière.

Un des panneaux du troisième pôle, présentant la figure du Père Favre. Crédit photo : PMF74.
Le choix des panneaux comme outil de médiation s’explique par le besoin de proposer un parcours autonome qui s’adapte à tous les publics, tout en transmettant des informations riches et visuelles. La diversité des cartes, des frises chronologiques, des biographies ainsi qu’une bande dessinée qui retrace le parcours fictif d’une famille fuyant les persécutions rend accessibles des aspects complexes de cette période historique. En associant le récit des faits historiques et la mémoire locale, le parcours permet aux visiteurs de se plonger dans le vécu des protagonistes.
Les contenus de ces panneaux ont été rédigés par des contributeurs clés : Mme Nicole Giroud, autrice d’un livre sur le Père Louis Favre, dont le parcours héroïque est un point central du projet ; Mme Ruth Fivaz-Silbermann, historienne suisse renommée ; et M. Yves Carron, qui a eu la chance de côtoyer le frère Boccard, guetteur et soutien pour les fugitifs. À leurs côtés, M. Morio et Mme Nadia Mugnier, enseignante en histoire-géographie et présidente de l’association, ont conçu les cartes et frises historiques. Ces auteurs ont créé ensemble un contenu rigoureux et pédagogique, destiné à toucher un large public, incluant familles, élèves, enseignants, et historiens amateurs. Ce chemin de mémoire s’inscrit dans une démarche de médiation sobre et accessible, favorisant l’immersion et la réflexion du visiteur.

Un des panneaux du deuxième pôle, rappelant le contexte historique entre 1942 et 1944. Crédit photo : PMF74.
Grâce à la mise en place de visites guidées par des élèves de l’établissement, le PMF74 crée une dynamique intergénérationnelle où les jeunes deviennent les médiateurs d’une mémoire partagée. Cette transmission active incarne les valeurs d’entraide, de justice et d’humanisme qui sous-tendent l’ensemble du parcours. Le Parcours Mémoriel du Mur de la Frontière 74 est ainsi devenu un lieu d’échange et de transmission, où un mur autrefois symbole de division se transforme en un pont entre les générations et les mémoires. En honorant les héros discrets de la Résistance, ce parcours invite chacun à prendre conscience de son rôle dans la société et à reconnaître l’importance des choix individuels et collectifs pour un avenir humaniste.

La cabane du frère Raymond Boccard, jardinier de l'école. Crédit photo : PMF74.
En relatant les efforts des missionnaires pour protéger des vies au péril de la leur, ce parcours mémoriel suscite une réflexion sur le courage, la solidarité et l’engagement personnel. Il s’inscrit dans un ensemble de projets similaires, des deux côtés de la frontière franco-suisse, qui visent à préserver la mémoire des événements marquants de la Seconde guerre mondiale. Ainsi, il favorise la coopération transfrontalière en renforçant les liens historiques et éducatifs.