« Ouverture et accès sont les mots d’ordres de demain » - Tim Berners Lee et Gordon Brown à l'université de Genève

Ouvrez les données de l’Etat, les réseaux sociaux, la liberté de parole, et garantissez-en l’accès aux citoyens. Voilà comment résumer en deux lignes le propos enthousiaste des deux orateurs de la conférence du 6 mars 2011.

Avant d’être homme politique, Gordon Brown était journaliste. Tim Berners Lee, lui, n’est autre que l’inventeur du web, ici même à Genève, au Cern il y a presque 20 ans. Cette double présentation explique peut-être comment la Grande Bretagne a récemment mis en ligne une série importante de données de l’Etat, au lieu de les rendre payantes ou de les revendre, comme certain le projettaient. Et les Etats Unis d’Obama lui ont emboîté le pas dans la concurrence à l’open data. Ce concept apparaît sur certains sites officiel commes un nouvel eldorado en matière de gouvernance (information officielle du gouvenement britannique en la matière, ndlr). L’ancien premier ministre avoue s’être fait convaincre par l’informaticien de rentrer dans ce "mouvement historique".

Plus de démocratie

« On a construit les ordinateurs, puis le web, et maintenant les réseaux sociaux et les nouveaux médias. Au niveau mondial, la densité des connexions est toujours plus forte, et l’information s’ouvre irrémédiablement » Tim Berners Lee a l’air familier de facebook, wikipedia et Twitter. Pour lui, ces outils nous aident à nous développer et mènent vers la prospérité, la démocratie, la responsabilité individuelle et collective. Les révolutions arabes, bien sûr, nous offrent une bonne illustration de ce phénomène, car aujourd'hui, on ne peut plus manipuler la vérité comme le faisaient les dictatures d’autrefois.

Economiquement efficace

Sur le plan économique, être connecté rend plus performants, et c’est notamment le cas pour les moins fortunés. Tim Berners Lee, à travers sa fondation, a permis à de petits producteurs du Ghana d’éliminer certains intermédiaires grâce à une connexion internet et quelques ordinateurs. « Et les Etats économisent et gagnent de l'efficacité en transférant sur le web les données et activités qui s’y prêtent », ajoute Gordon Brown.

L’accès, une nécessité

Et nous en venons au problème crucial de l’accès des populations au numérique, dont dépend la poursuite de toutes les avancées décrites plus haut. 80% de la population mondiale n’a pas encore d’accès au web. Mais les choses bougent vite, notamment grâce au développement des smartphones qui permettent un accès différent au web. L’Afrique en profite, mais son développement numérique mériterait d’être subventionné. En Inde, par exemple, le gouvernement finance l’accès internet dans les zones rurales défavorisées. Et derrière la question de l’accès, il y a celle du droit à l’accès. La Finlande et l’Estonie ont par exemple intégré le droit universel à l’accès internet dans leurs lois.

Bien sûr, il y a quelques ombres au tableau. Les géants d’internet, notamment Google et Facebook, ne sont pas spécialement ouverts en matière de données. Au contraire, ils amassent des informations sur chacun de nous et en font leur propriété privée. Cette attitude inquiète Tim Berners Lee.

Et la surveillance étatique, et les dérives possibles dans ce domaine? C’est un risque, sans doute, mais le développement d’Internet et de l’Open Data favorisent la transparence et la capacité/nécessité de rendre des comptes. « Internet met une pression énorme sur les gouvernements malveillants. »

"Que pensez-vous de wikileaks, c’est bien ?", demande finalement un membre du public. « Huum, fait Gordon Brown. A mon avis, on n’a pas appris grand chose, mais seulement confirmé des choses que nous savions à peu près. » L’ancien journaliste, sur ce sujet, a l’air de s’aligner sur le rejet de la plupart des chefs d’Etat occidentaux. Tim Berners ne s'exprimera pas à ce propos mais d'après ses sourires, il n’a pas l'air de partager la position de Gordon Brown sur wikileaks. Peut-être y reconnaît-il l'un des nombreux avatars du web qu’il a mis au point ici même.

Nicolas Goulart
nicolas.goulart@gmail.com