La folie du suicide. Une histoire de la mort volontaire comme objet médical en France de la fin du XVIIIe siècle aux années 1870

AutorIn Name
Eva
Yampolsky
Academic writing genre
PhD thesis
Status
abgeschlossen/terminé
DozentIn Name
Prof.
Vincent
Barras
Institution
Institut universitaire d'histoire de la médecine et de la santé publique
Place
Lausanne
Year
2019/2020
Abstract
Dans cette thèse, j'ai étudié comment la médecine mentale a fait du suicide un de ses objets privilégiés, en France et durant la première moitié du XIXe siècle. Depuis des siècles, la médecine a joué un rôle actif et important dans les procès juridiques contre les suicidés et les suicidaires, afin d'identifier les cas de suicide causés par la folie et de les soustraire à la justice. Lorsque le suicide fut dépénalisé officiellement en France en 1791, la tolérance pénale et le regard médicalisé envers cet acte avaient déjà été intégrés dans les mœurs depuis plusieurs siècles. Or, bien que la médecine ait joué depuis longtemps un rôle important envers le suicide, c'est au tournant du XIXe siècle, avec la naissance de la psychiatrie comme branche médicale autonome, que la médecine va tenter d'inscrire cet acte entièrement dans son champ d'expertise et de le redéfinir comme un acte de folie à proprement parler. À partir de là, on constate une prolifération d'études psychiatriques, hygiénistes et médico-légales qui inscrivent cet acte au cœur des théories médicales de la folie ; le suicide entre dans les nosographies, il fait l'objet d'observations médicales et d'études statistiques, et il exige désormais des approches thérapeutiques et préventives issues du savoir médical. Cette thèse poursuit trois objectifs principaux, épistémologique, disciplinaire et discursif. Le premier objectif a été d'analyser comment la médecine mentale a construit le suicide en un objet médical. A partir d'une étude approfondie de sources médicales imprimées et manuscrites, j'ai analysé les débats et les controverses entre les médecins, les théories qui ont émergées de ces débats, ainsi que leur usage d'observations cliniques et de statistiques qui se sont développées à la même époque. Mon second objectif a été de montrer que le discours médical sur le suicide est tout aussi hybride que son objet d'étude. En effet, l'analyse des études psychiatriques du suicide permet de constater que le discours des aliénistes sur cet acte est influencé, voire surdéterminé par d'autres discours, moral, religieux, juridique, militaire, littéraire, entre autres... Selon mon hypothèse, ces influences discursives permettent aux aliénistes de s'« approprier » cet acte, mais elles mettent également en évidence la difficulté de réduire le suicide à un acte pathologique. Le troisième objectif porte sur les enjeux disciplinaires implicites en médecine mentale et en hygiène publique dans l'appropriation du suicide. Devant la difficulté d'inscrire le suicide entièrement dans le savoir médical, j'ai tenté de démontrer les postulats sur lesquels se fondent les théories médicales sur cet acte, permettant aux aliénistes et aux hygiénistes d'établir et de justifier leur rôle dans la définition, le traitement et la prévention du suicide. En somme, l'étude historique du suicide comme objet psychiatrique permet de mieux comprendre comment la médecine mentale a pu étendre son champ d'action et d'expertise, au-delà de l'espace hospitalier, vers la société toute entière.
External ID
serval:BIB_D4A8482DADF1

Access to the work

Library

Academic works are deposited in the library of the university where they originated. Search for the work in the central catalogue of Swiss libraries