Avec l’arrivée, prévue en 2025, de la RadioTélévision Suisse (RTS) sur le campus universitaire lausannois, le service public de l’audiovisuel s’implante dans le voisinage des institutions académiques. Si ce déménagement offre de multiples opportunités dont les contours seront à préciser au fil des collaborations entre le monde scientifique et l’univers des médias, il nous invite aujourd’hui à revisiter l’histoire longue des médias en Suisse et d’en renouveler les approches.
Dans un premier temps, nous souhaitons plus particulièrement interroger une notion omniprésente mais rarement discutée dans une perspective critique et historique, à savoir celle d’audiovisuel. Audiovisuel, audio-visuel, audio-vision, audiovision : à l’instar du flou orthographique, un flou définitoire accompagne la notion. Désignant des équipements techniques, des méthodes d’enseignement, les « nouveaux médias », ou simplement la TV et la radio, le concept d’audiovisuel semble aussi malléable que les multiples réalités qu’il recouvre.
Utilisé de manière régulière dès l’après-guerre, surtout en anglais et en français, il est en vogue internationalement durant les années 1970 à 1990 (voir par exemple Martineau 1987). Aujourd’hui, on l’emploie volontiers dans le cadre de débats sur la régulation économique des médias, dans un contexte de « convergence médiatique » (Bourgeois 2015), sous sa forme adjectivale dans les études narratologiques du cinéma (où il est question de « récit audiovisuel » (Beylot 2005 ; Jullier 2018) ou encore comme une extension du domaine couvert par le cinéma (Albert et al. 2021). Or si l’audiovisuel renvoie avant tout au paysage médiatique de la seconde moitié du XXème siècle et ses mass media, il englobe potentiellement une histoire communicationnelle bien plus longue. En tant qu’association entre l’œil et l’oreille, il constitue, selon des auteurs contemporains, une donnée anthropologique : « L’audio-visuel est, en effet, pour la plupart des êtres vivants, une constante fondamentale : c’est par lui qu’ils peuvent accéder à la connaissance, affirmer leur spécificité et leur personnalité, communiquer avec le monde inanimé et le monde animé » (Matras 1974).
Ainsi, si les utilisations de la notion foisonnent dans de nombreux champs et littératures, son analyse critique et historiographique reste limitée. Outre les enquêtes qui prennent explicitement l’audiovision comme objet d’étude (Bourdon 1988 ; Follonier 2020 ; Sorlin 1992 ; Chion 2013 ; Delavaud 2010 ; Zielinksi 1999), deux domaines se distinguent pour leurs réflexions stimulantes : celui des discours et pratiques pédagogiques associant le son et l'image (fixe et/ou animée), d’une part (Acland 2017 ; Duccini 2013; Lefebvre et Raynal 2017), et celui des dispositifs d'exposition, qu’il s'agisse des grandes foires industrielles internationales ou de formes muséographiques plus circonscrites, d’autre part (Lugon 2014).
Sans vouloir fixer une fois pour toute sa signification, ce colloque cherche au contraire à tirer profit de la plasticité heuristique du terme pour ouvrir un espace de dialogue autour des méthodes et des approches de l’histoire de l’audiovisuel. Il s’agit, non pas tant de se demander « qu’est-ce que l’audiovisuel ? », que de discuter comment l’audiovisuel peut devenir un instrument d’analyse pour comprendre la complexité de l’histoire des médias dans ses multiples dimensions.
Nous aimerions en particulier en savoir davantage sur le rôle et la valeur de l’audiovisuel en tant qu’outil : outil technologique d’abord employé dans de nombreuses pratiques et corps de métiers, allant de la formation continue pour adultes à la communication politique ; outil descriptif ensuite permettant de désigner des objets, des pratiques, des représentations, etc. mettant en jeu des images et des sons ; outil épistémologique enfin, à même de repenser l’histoire des médias. En effet, s’il existe un trait d’union entre les différentes définitions de l’audiovisuel, c’est précisément l’absence de référence à un médium singulier – le cinéma, la télévision, la photographie ou encore la projection –, au profit d’un milieu intermédiatique où se croisent, se complètent et se substituent différentes formes médiatiques, « anciennes » et « nouvelles ».
Nous encourageons des propositions qui problématisent l’histoire et la notion de l’audiovisuel à travers les axes suivants :
- Méthodes : Dans quelle mesure cette notion nous aide-t-elle à faire découvrir de nouveaux corpus et de nouveaux objets et, plus largement, à remettre en cause certaines catégories historiographiques ou périodisations ? Est-il possible de faire émerger de nouvelles approches à partir de son utilisation ?
- Historiographie : Quelle place occupe ce terme dans les travaux sur la télévision et les médias ? Peut-on observer des traditions différentes sur un plan disciplinaire, d'une part, et national, d’autre part ? Dans quelle mesure le terme a-t-il été l'objet de reconfigurations au cours des dernières années avec l'émergence du numérique d'abord, mais aussi l'essor de notions à la fois voisines et plus spécifiques de multimédia ou transmédia ?
- Archives : Les sources audiovisuelles ayant désormais acquis le statut de patrimoine culturel, leur archivage est un enjeu central pour les institutions concernées. Quelles définitions de l’audiovisuel sont opératoires dans ce contexte ? Dans quelle mesure la nouvelle visibilité et légitimité accordées à certaines sources audiovisuelles a pour revers une nouvelle hiérarchie liée à l'absence de traces documentaires relatives à d'autres objets ou dispositifs ?
Les propositions de chercheuses et chercheurs en sciences humaines et sociales qui peuvent enrichir la réflexion sur ces questions et sur l’histoire de l’audiovisuel plus largement sont les bienvenues. Les doctorant·e·s sont en particulier invité·e·s à mettre en discussion ces enjeux théoriques et méthodologiques à partir de leur champ d'investigation spécifique.
Calendrier
Délai pour la reddition des abstracts : 15 juillet 2022
Réponse aux auteur·e·s : fin juillet
Colloque : 24-25 novembre 2022, à l’Université de Lausanne. Les trajets et l’hébergement seront pris en charge par les organisateurs
Merci d’envoyer les abstracts en français ou en anglais de 600 mots maximum, accompagnés d’une brève bibliographie et d’une notice biographique, à annekatrin.weber@unibas.ch