En 1914, soit à la fin de la première année de guerre, et face à l’ampleur du nombre de prisonniers enfermés en France et en Allemagne voisines, le Président de la Confédération Arthur Hoffmann décide d’envoyer des délégués, en son nom, afin de s’assurer de la bonne prise en charge du ministère religieux précisément dans les camps. En Allemagne, c’est le prêtre fribourgeois Eugène Dévaud qui est proposé par Monseigneur Bovet avant d’être accrédité par la Confédération et les belligérants. L’abbé fribourgeois quitte alors le sol helvétique pour rejoindre Freiburg-in-Breisgau. Ce départ donne naissance à la Mission Catholique Suisse dès lors qu’un bureau, assurant les ressources nécessaires aux voyages de l’abbé, ouvre ses portes à Fribourg. L’ouverture de ce bureau signifie aussi la volonté de ses membres de ne pas se contenter d’une aide strictement religieuse.
En effet, la perspective de s’imposer en tant qu’acteur de choix dans l’effervescence humanitaire contemporaine ne leur échappe pas. Ainsi, la Mission s’éloigne un tant soit peu de son but originel pour couvrir un champ d’actions plus large et qui se traduit par le souci de l’assistance morale et intellectuelle des prisonniers (correspondance, entretiens individuels, lectures saines, etc.) ainsi que d’une assistance matérielle (vivres, vêtements, et argent) non plus négligeable. Sur l’ensemble de son mandat, le prêtre effectue près de trois cents cinquante visites de camps, dont certains à plusieurs reprises ; le tout concentré sur huit voyages d’une durée approximative de trois mois chacun.
En somme, ce travail se propose d’analyser le changement d’orientation de la Mission dans le but de maintenir sa légitimité dans le carcan des œuvres humanitaires préexistantes, eu égard de sa dimension confessionnelle. Tandis que le premier volet interroge plutôt les motivations de son existence à l’aune d’un XXème siècle peu favorable à la religion, mais pour laquelle la guerre semble offrir la perspective de jours plus glorieux, le deuxième volet s’intéresse plus particulièrement à ce virage à nonante degrés entrepris par la Mission. L’évaluation d’une possible discrépance entre les prétentions qu’elle se donne (ou les crédits qu’elle s’octroie) et la réalité de son influence sur le terrain alimente aussi la réflexion sous-jacente à ce travail. En d’autres termes, il s’agit d’analyser d’un point de vue critique la nécessité de l’existence de la Mission non pas en regard d’une auto-évaluation, d’une auto-présentation dans son Bulletin, mais plutôt en la replaçant dans un contexte plus large pour lequel les événements du début du siècle ne sont pas étrangers.