„Si avons nous lesdits compaignions de chevauchie“ L’organisation militaire de Fribourg au Moyen Age (1350 – 1550)

AutorIn Name
Mathijs
Roelofsen
Art der Arbeit
Dissertation
Stand
abgeschlossen/terminé
DozentIn Name
Prof.
Regula
Schmid Keeling
Institution
Historisches Institut
Ort
Bern
Jahr
2022/2023
Abstract

Cette dissertation de thèse est le fruit de quatre années de travail au sein du projet du Fonds national suisse Martial Culture in Medieval Towns. 1350 – 1550. Le sujet central de cette dissertation – la mobilisation militaire des bourgeois et habitants de Fribourg durant cette période – s’est imposé après une exploration des archives étatiques et communales de plusieurs villes de Suisse romande. L’étude de la diversité des structures municipales dans les villes du Pays de Vaud, du comté de Neuchâtel, du Genevois et des terres de l’évêché de Lausanne s’est révélée être un angle intéressant pour déterminer la place de l’organisation militaire parmi les institutions municipales ou les relations entre la ville et le seigneur. Parmi les fonds d’archives consultés en Suisse romande, ceux de Fribourg sont les plus riches en ce qui concerne les documents à caractère militaire, reflétant la participation de la ville et ses environs aux différents conflits de son époque. Les natures administrative et légale des documents permettent d’explorer à la fois les aspects institutionnels et fonctionnels de l’appareil militaire fribourgeois. Comme les deux faces d’une même pièce, l’organisation militaire urbaine était liée aux institutions de la ville et utilisait des moyens matériels propres pour accomplir ses missions. Plusieurs éléments constitutifs de ce que j’appelle le cadre politico-militaire étaient présents à divers degrés dans les communautés urbaines: une mise par écrit des éléments institutionnels – soit les lois et les ordonnances − et fonctionnels – combattants et matériel; des autorités municipales possédant des prérogatives militaires – notamment le recrutement et la conduite de troupes −; enfin, la possibilité d’intégrer d’autres localités dans l’organisation militaire de la ville, soit diplomatiquement (alliances et combourgeoisies), soit par l’annexion territoriale. Le développement de ces différents aspects était tributaire du degré d’autonomie d’une ville.

Les villes médiévales présentaient trois qualités militaires pour leur seigneur: elles pouvaient servir de places fortes, possédaient assez de richesse pour financer les guerres du prince et constituaient une source de combattants. D’un point de vue politique, la participation des communautés urbaines requérait des négociations entre celles-ci et le seigneur, dont les accords étaient mis par écrit, voire étaient discutées en assemblées interurbaines. Ces dernières étaient notamment présentes dans le Pays de Vaud, avec les États de Vaud, qui réunissaient plusieurs villes de la région et jouaient un rôle de conseil, ainsi que de réponse aux demandes du prince en matière militaire. La consultation portait principalement sur les meilleures dispositions à prendre pour défendre la région, soit une aide militaire au prince ou un subside. En ce qui concerne les capacités militaires de Fribourg, les autorités municipales de celle-ci − à l’instar d’autres villes de l’espace germanique – possédaient les prérogatives nécessaires pour organiser les troupes et la défense de la ville, voire de déclarer la guerre à d’autres villes ou états.

Le service militaire à Fribourg était dû par les citoyens des quartiers de la ville et des campagnes environnantes – qu’ils soient bourgeois ou non-bourgeois. Il comprenait la participation aux expéditions militaires, le maintien de l’ordre et la mobilisation en cas de feu ou de siège. À partir de 1460, Fribourg est passé d’un système de recrutement basé exclusivement sur les bannières (soit la ville et les campagnes) à une combinaison entre celles-ci et des compagnies armées (compagnies de chevauchée) liées aux corporations de métiers ou aux paroisses. Les territoires acquis après les guerres de Bourgogne ont également été soumis à l’obligation de servir militairement. Le système de recrutement d’avant 1460 n’a toutefois pas entièrement disparu, ayant encore été utilisé en cas de siège, de feu ou d’émeute. Les compagnies de chevauchée étaient basées sur la mutualisation des ressources et la solidarité entre leurs membres. Si elles étaient liées à des milieux différents (professionnel, géographique, social), leur relation avec les autorités municipales était la même: fournir annuellement une liste des membres, respecter les ordonnances municipales et participer financièrement à l’effort de guerre. Cette configuration semble être spécifique à Fribourg en comparaison à d’autres villes de l’espace germanique.

À l’image d’autres villes du plateau suisse la politique territoriale de Fribourg était pro-active, basée en premier lieu sur des achats de droits de seigneuries, puis des conquêtes militaires. L’unification de la ville et des campagnes environnantes en 1404 sous la forme de bannières a permis l’harmonisation administrative du territoire, servant de base pour les réformes militaires de 1460. Au niveau des devoirs militaires et de la participation financière des citoyens, ville et campagnes suivaient le même régime. Il faut noter que si Fribourg a profité du XIVe et du XVe siècle pour étendre son territoire, la concurrence avec Berne a freiné son expansion, notamment au XVIe siècle. Si, jusqu’en 1478, Fribourg faisait partie du patrimoine de plusieurs dynasties nobles (Zähringen, Kybourg, Habsbourg, Savoie), les autorités municipales avaient la liberté de conclure des alliances avec d’autres villes. Cet effort diplomatique (similaire à celui de ses voisins confédérés) s’est renforcé dans la deuxième moitié du XVe siècle, avec l’entretien de combourgeoisies avec des villes plus petites et leur intégration dans le système militaire fribourgeois.

La quantité importante de données relatives au matériel et activité militaires des fribourgeois représente l’opportunité d’étudier les questions économiques et géographiques liées au militaire. Ainsi, la mise en relation entre un livre de taxes de 1445 et plusieurs inventaires contemporains d’armure, de provisions et de chevaux confirme la corrélation entre le niveau économique et la quantité d’objets ou d’animaux possédés – typique des villes de l’espace germanique. Toutefois, la variation importante dans les quantités de biens possédés

entre les différentes catégories de fortune suppose l’existence de facteurs autres que seulement économique influant la possession d’équipement – mariage ou héritage par exemple. L’étude en série de la mobilisation des groupes de combattants met en lumière la stabilité des effectifs composant les compagnies de chevauchée de la ville entre 1460 et le début du XVIe siècle. D’un autre côté, durant cette même période, les paroisses des campagnes, les territoires conquis après les guerres de Bourgogne et les villes combourgeoises ont pris une place de plus en plus importante au sein des armées fribourgeoises, jusqu’à composer la grande majorité des troupes. On observe ainsi un recours croissant aux territoires périphériques de la part des autorités municipales en période de guerre.

À la croisée entre l’histoire militaire et l’histoire urbaine, ce travail montre les liens étroits entre l’appareil militaire et les institutions municipales de la ville. L’attention portée aux devoirs militaires des bourgeois et habitants (la mobilisation durant les expéditions militaires et pour la défense de la ville, ainsi que l’entretien d’armures, de chevaux et de provisions) révèle une institution basée sur les structures sociale, professionnelle, économique et politique de la ville. À Fribourg, les notables et magistrats (conseilles, sautiers, ...) participaient aux expéditions militaires, leurs fonctions administratives et de conseil s’appliquant également à un contexte militaire. La structure des compagnies de chevauchée mimait celle des corporations de métier et s’appliquait à d’autres structures préétablies, comme les paroisses au cas des villages des campagnes. Dans un sens, c’est la ville et son organisation qui se déplaçait en campagne militaire.

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