La rhétorique de l’adversaire dans la vie politique genevoise (1892 - 1909)

Dans ce travail, nous avons choisi de nous intéresser au discours partisan dans le canton de Genève à la fin du XIXème siècle (1892-1909) en analysant la rhétorique proposée par les organes de presse des quatre partis politiques majeurs de cette époque: le Journal de Genève, proche des libéraux conservateurs du parti démocratique, le Genevois, journal du parti radical, le Courrier de Genève, voix catholique-conservatrice du parti indépendant et enfin, le Peuple de Genève, organe du parti socialiste. L’axe de recherche principal est celui d’essayer d’identifier comment sont perçus les partis politiques adverses dans chaque organe de presse : existe-t-il des changements ou des récurrences dans l’identification de l’adversaire au fil des numéros de chaque journal ? Pour l’analyse des sources, nous faisons appel à des disciplines voisines de l’histoire, en invoquant notamment les écrits de Julien FREUND et Georg SIMMEL. L’espace d’analyse retenu est particulièrement intéressant à différents égards. Tout d’abord, le canton offre un panel représentatif des forces politiques nationales au niveau cantonal. Ensuite, les organes de presse représentants lesdites forces politiques existent, sont accessibles et jouent encore un rôle central dans la vie politique d’alors. Enfin, le contexte historique du canton de Genève au tournant du siècle, qui se situe au carrefour de l’histoire religieuse et sociale du canton a déterminé les bornes temporelles. Les limites temporelles s’étendront en effet de 1892 – date naturellement choisie car elle correspond à l’introduction du vote proportionnel pour l’élection du législatif cantonal – à 1909. 1909 est à première vue une date moins évidente : la plupart des historiens qui se sont intéressés au contexte genevois choisissent de s’arrêter à 1907 qui correspond à la clôture définitive des conflits religieux issus du Kulturkampf genevois qui auront envenimé la sérénité politique cantonale pendant plusieurs dizaines d’années avec le vote de la loi sur la séparation de l’Église et de l’État. Nous avons pour notre part choisi de retenir 1909 essentiellement afin d’avoir un recul de quelques mois sur l’influence de l’introduction de cette loi : qu’implique-t-elle dans les relations interpartisanes ? Constate-t-on un repositionnement idéologique dans les discours des organes de presse ? Ce travail poursuit ainsi un objectif majeur : mettre en évidence l’importance de la figure de l’adversité pour un parti politique en racontant sous un angle qui se veut original l’histoire du canton de Genève et celle de la presse politique d’alors, qui vit son « âge d’or ».