Le Campus Virtuel Suisse ou le premier âge des NTIC à l'université

Entre 1999 et 2008, la Confédération a financé un programme intitulé le Campus Virtuel Suisse (CVS), qui visait à "promouvoir l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication dans les hautes écoles suisses". En visitant hier le site de la Conférence Universitaire Suisse (CUS), qui a coordonné le financement du CVS, je suis tombé sur un rapport d'évaluation par trois experts indépendants qui m'a semblé très intéressant. Avant d'entrer dans les détails, saluons l'avant-gardisme du programme. A peine 7 ans après la naissance du premier site web au CERN en 1992, les autorités suisses avaient déjà mis sur pied un programme national pour favoriser l'adoption des technologies dans les universités. Notons aussi que le CVS était centré sur la notion de E-learning. Cette notion de E-learning est aujourd'hui presque un peu dépassée. Elle a trouvé un champ d'application propice, un business model approprié, dans l'enseignement à distance (les anciennes études par correspondance) mais ne s'est pas ancrée durablement, à quelques notables exceptions près, dans les universités. On s'imaginait alors "parvenir à au moins 10% des cours assistés par les nouvelles technologies", avec un e-learning "qui doit obligatoirement remplacer d'autres formes d'études et d'enseignement". La réalité fut un peu différente. La plupart des projets adoptaient l'approche de l'enseignement mixte (blended learning), alors que les universités se dotaient de systèmes de gestion d'apprentissage (Learning Management System) comme Moodle ou Blackboard, qui "permettent aux professeurs et étudiants de mettre des transparents Powerpoint sur les sites web de leurs classes respectives", mais qui ne sont pas "considérés dans d'autres pays comme des projets de e-learning". Une des principales faiblesses de ces projets est de rester confinés à l'intérieur des universités, alors que pendant ce temps le World Wide Web était en train d'exploser. Comme le remarquent avec lucidité les auteurs du rapport en 2008, "durant la période du projet CVS, des développements d'importance majeure, tels que l'avènement des blogs, des wikis et des réseaux sociaux ont eu de profondes répercussions sur l'apprentissage et les étudiants." Et de conclure: "les projets financés ainsi que le contenu développé ressemblent plus à des archipels dispersés dans le Pacifique qu'à des continents solidement ancrés." Il serait faux de condamner à l'oubli le e-learning. Certains projets se sont pérennisés et continuent à être utilisés aujourd'hui. On citera par exemple l'excellent Ad Fontes, la coordination E-learning de l'Uni. Zurich ou encore le Centre NTE de l'uni. Fribourg. Force est de constater cependant que la tendance s'est désormais déplacée vers le Web ouvert, avec notamment l'Open Access, les Repositories institutionnels, la publication de sources en ligne, les cours sur You-Tube ou i-Tunes U. Lors de sa seconde phase de financement (2008-2011), tout en continuant à favoriser le développement des nouvelles technologies dans l'enseignement supérieur, la CUS n'a plus misé sur les universités, mais sur les bibliothèques avec le projet E-Lib (7 mio. CHF) et sur les prestataires de services avec SWITCH (8 mio. CHF). On reconnait désormais que l'adoption de nouvelles technologies dans la recherche et l'enseignement ne dépend pas uniquement des politiques scientifiques. Elle se négocie à un niveau beaucoup plus global, selon les logiques de marché et les évolutions sociétales. Aux universités ensuite d'en tirer le meilleur profit pour le progrès des sciences. L'Open Access reste en ce sens une priorité. L'appel à projet de la CUS pour la troisième période de financement (2013-2016) est en cours jusqu'en septembre 2011.