Panel: Gauche-droite, patronat-syndicats: un cadre pour la vie politique suisse?

Author of the report
Sabine Pitteloud
Université de Genève
Zitierweise: Pitteloud, Sabine: Panel: Gauche-droite, patronat-syndicats: un cadre pour la vie politique suisse?, infoclio.ch Tagungsberichte, 2016. Online: infoclio.ch, <http://dx.doi.org/10.13098/infoclio.ch-tb-0121>, Stand:


Organisateur: Christophe Vuilleumier
Participants: Olivier Meuwly, François Jequier

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Le panel vise à discuter de la pertinence de deux dichotomies traditionnelles, gauche-droite et patronat-syndicats. Selon les intervenants, OLIVIER MEUWLY et FRANCOIS JEQUIER, ces lignes de rupture ont souvent été relativisées et sont parfois même considérées comme désuètes. CHRISTOPHE VUILLEUMIER, responsable du panel, souligne également un manque d’intérêt croissant pour ces problématiques. Cette remise en question découlerait du fait que l'on assiste à l'émergence d'une réalité consensuelle, à même de lisser les oppositions profondes. Les intervenants ne partagent pourtant pas cette vision, car selon eux, le contenu qui se cache derrière ces grandes catégories ne répond pas à des définitions arrêtées, mais mute au cours du temps. Il s'agit donc de notions évolutives, toujours marquées par une tension entre consensus d'occasion et opposition.

OLIVIER MEUWLY débute sa présentation sur le clivage gauche-droite, en rappelant qu’il est issu de la Révolution française. Il insiste également sur le fait que dès son origine, on retrouve une multitude de tendances, avec des droites et des gauches. Ce clivage est un marquage global sur lequel va se fonder le paysage politique d’un pays, en fonction du contexte local, géographique et social, qui va exercer une influence. Selon Olivier Meuwly, le cas suisse est intéressant, puisqu'il est marqué par l’émergence du mouvement radical, qui à ses origines se trouvait sur la gauche de l’échiquier politique. La droite est dominée par les conservateurs, animés par une volonté de retour aux traditions. Durant le XIXème siècle, les radicaux demeureront la gauche parlementaire, contrairement aux socialistes non représentés. Le radicalisme est dès ses prémices très hétérogène, avec une aile libérale de type manchestérien [1]. Vers la fin du XIXème siècle, les grèves se multiplient et le radicalisme se « droitise » pour se rapprocher des protestants conservateurs. Ainsi, le radicalisme qui représentait la Suisse au-delà de tout clivage se divise à son tour. Le système de parti et la démocratie directe - avec l’instauration de l’initiative populaire en 1848 - poussent vers la recherche de consensus. Le système proportionnel, instauré en 1919, donnera un poids réel à l’ensemble des forces politiques. A la suite de la Deuxième Guerre mondiale, le Parti socialiste est intégré au Conseil fédéral. Avec la création de l’Etat Providence, le socialisme divorce du communisme et doit se réinventer dans la social-démocratie. La fin du XXème siècle sera l’âge d’or des « néo » qui fleurissent : néolibéralisme, néo-anarchisme, etc. Finalement, Olivier Meuwly termine sa présentation en soulignant que les gauches et les droites survivent et mutent. L’histoire est alors enrichie par ces regards croisés.

FRANCOIS JEQUIER traite du clivage patronat-syndicats en prenant l’exemple du canton du Valais. Il présente un texte réalisé par Delphine Debons, sur lequel ils ont échangé. Il s’agit d’un projet sur l’histoire des entrepreneurs de la construction en Valais, qui se base sur les archives de l’Association valaisanne des entrepreneurs, fondée en 1919, des archives syndicale de la FOBB (Syndicat du bois et du bâtiment), de la Commission cantonale de conciliation et d’archives de presse. François Jequier rappelle à quel point l’historien est tributaire de ses sources, fragmentaires dans ce cas. Il souligne aussi la nécessité d’être conscient de ses propres sentiments qui pourraient influencer sa recherche, particulièrement lorsque l’on s’intéresse à des thèmes sensibles en lien avec le pouvoir. François Jequier rappelle aussi l’importance des études régionales et de porter de l’attention aux micro-entreprises, qui emploient moins de dix personnes, qui sont très importantes dans le cas du Valais. Il explique d’ailleurs que la structure de la micro-entreprise, souvent familiale et avec des relations très denses et moins hiérarchisées entre les membres, influence les rapports sociaux et rend les grèves moins fréquentes. Au début du XXème siècle, la majorité des travailleurs sont aussi des paysans et conçoivent leur travail salarié comme une activité annexe. La peur des autorités politiques conservatrices et l’influence de l’église jouent également un rôle. Ainsi, l’histoire des mouvements sociaux dans le domaine de la construction en Valais est liée aux grands ouvrages du début du XXème siècle: décollage industriel, utilisation de l’hydroélectricité et ouverture des axes de transports (Simplon en 1905 et Lötschberg en 1913). On peut citer à titre d’exemples différents conflits entre 1907 et 1909, notamment dans l’usine de Ciba à Monthey ou celle d’Alusuisse à Chippis. Les syndicats indépendants sont marginalisés alors que les syndicats chrétiens prennent mieux dans le terreau valaisan. Un tournant a lieu en 1931 lorsqu’entre 200 et 300 maçons se mettent en grève à Sion et qu’un accord est trouvé. La première convention collective sera signée en 1941 et cela marque le passage d’une situation d’opposition entre patronat et syndicats à une relation de partenaires sociaux.

Lors de la discussion, l'influence de la paysannerie et de son conservatisme est évoquée, tant dans son rôle politique (PAI/UDC) que dans son rôle d’appui au patronat dans le cadre des mouvements sociaux. Le cas suisse est à ce titre intéressant en comparaison internationale, où la paysannerie a parfois rejoint le camp de la gauche. Olivier Meuwly souligne qu’une fois de plus, le clivage gauche-droite fait sens d’un point de vue analytique et que l'on retrouve aussi des nuances, avec notamment l’aile vaudoise de l’UDC qui est un peu plus proche de la gauche que dans d’autres cantons. En définitive, il ressort donc que les oppositions traditionnelles gauche-droite et patronat- syndicats, marquées par des relations variant entre consensus et opposition, demeurent des cadres pertinents pour l’historien, qui peut ainsi appréhender des configurations de pouvoir plurielles et évolutives dans le temps.

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[1] Comme notamment la figure d’Alfred Escher.

Aperçu du panel

MEUWLY Olivier, Gauche et droite en Suisse: deux concepts aux courbes sinueuses.

JEQUIER François, Associations patronales et syndicales: du conflit au dialogue. Le cas du canton du Valais.

Evènement
4e Journées suisses d'histoire
Organisé par
Société suisse d'histoire et Université de Lausannne
Date de l'événement
Lieu

Université de Lausanne

Langue
Français
Report type
Conference