À mi-chemin entre histoire de l’émigration portugaise et de l’immigration en Suisse, mais aussi à point touchant avec l’histoire des mouvements ouvriers, cette recherche met en lumière les différents espaces de mobilisation et les formes de résistances des saisonnier·ères portugais·es en Suisse romande entre 1970 et 1990. Face à la situation politique, économique et sociale critique au Portugal, à la fermeture progressive de la France à l’immigration et au tarissement de la main-d’œuvre italienne et espagnole en Suisse, les saisonnier·ères portugais·es commencent à timidement intégrer le marché du travail helvétique à partir des années 60. Or, le statut injuste dans lequel vivent ces travailleur·euses en Suisse crée un terreau fertile à la contestation et à la mobilisation de cette main-d’œuvre temporaire.
Dans une perspective transnationale entre le Portugal et la Suisse, ce mémoire relève d’abord les événements déclencheurs qui ont permis l’apparition du premier élan mobilisateur de la diaspora saisonnière portugaise en Romandie dans la première moitié des années 70. La crise économique provoque le non-retour d’un bon nombre de saisonnier·ères ; celleux-ci ne reviennent qu’à la fin des années 70. La Révolution des Œillets amène des changements profonds au Portugal et dans son administration. Elle entame alors un rattrapage en matière d’assistance à sa main-d’œuvre à l’étranger, jusqu’alors négligée par l’État salazariste. Cet effet se ressent aussi en Suisse, où l’Union suisse des paysans commence, en 1980, à venir en aide aux saisonnier·ères portugais·es qui se plaignent à l’organisation agricole pour diverses raisons. La même année, la Fédération suisse des ouvriers du bois et du bâtiment inaugure des cours syndicaux pour saisonniers portugais et commence, tant au niveau international – entre la Suisse et le Portugal – qu’au niveau local, à défendre les intérêts des saisonnier·ères portugais·es. En filigrane de ces espaces et mobilisations de groupe, l’espace individuel joue également un rôle important dans l’accès à une potentielle amélioration de ses conditions de vie. Pour y parvenir, certain·es saisonnier·ères résistent individuellement, face à leur employeur ou face aux conditions de vie et de travail qui leurs sont imposé·es.
Ainsi, à travers des mobilisations de groupe ou des résistances individuelles, les saisonnier·ères portugais·es – souvent jugé·es comme une main-d’œuvre travailleuse et docile – tentent d’améliorer, à différentes échelles, leur condition de saisonnier·ère en Suisse romande.