La police de la République. Construire un ordre public à Genève au XVIIIe siècle.

Nom de l'auteur
Marco
Cicchini
Type de travail
Thèse
Statut
abgeschlossen/terminé
Nom du professeur
Prof.
Michel
Porret
Institution
Histoire moderne
Lieu
Genève
Année
2009/2010
Abstract


Centrée sur le cas de la République de Genève, cette thèse s’intéresse à l’institutionnalisation et à l’étatisation des relations de pouvoir en étudiant l’évolution des conceptions et des pratiques de police au XVIIIe siècle. Dans la théorie classique, la police est une pratique de gouvernement aux compétences très larges qui s’érige en pivot de l’ordre social ayant pour ambition de régler les comportements quotidiens en matière d’approvisionnement en vivres, de voirie, de sûreté, de santé, de morale, de commerce ou de travail. Au cours du XVIIIe siècle, la dimension gouvernementale – voire pastorale – et généraliste de la police s’estompe au profit d’une dimension plus étroitement sécuritaire et pénale. République urbaine au ressort limité, Genève est un observatoire fécond de cette importante reconfiguration policière et de ses multiples facteurs. Sur une échelle réduite, et grâce à de riches fonds d’archive, se lit ainsi l’évolution des équilibres institutionnels, entre recomposition des priorités administratives, nouvelles exigences en matière de justice pénale et affirmation du pouvoir militaire.

La thèse est divisée en quatre parties. Dans la première sont étudiées les normes de police, à travers les dynamiques de leur élaboration, leurs modes de diffusion et les conditions de leur application. Cette approche d’ensemble permet d’identifier un régime d’action pluriel de l’économie normative, entre volonté de socialiser la population, de prévenir les dangers et de réprimer les comportements. La seconde partie se focalise sur le Tribunal du lieutenant, en insistant sur le statut et les fonctions de ses acteurs principaux (lieutenant, auditeurs). Le Tribunal du lieutenant est un élément essentiel de l’armature institutionnelle de la République et l’exercice de la police, pour les auditeurs, est un apprentissage du gouvernement de la cité. Dès 1750, sous une rigidité et continuité institutionnelle apparente, émerge, aux côtés des magistrats, un personnel subalterne mieux encadré (notamment des huissiers), appelé à étendre l’action de la police et à renouveler les modes opératoires, alors que les priorités gouvernementales évoluent en faveur d’une politique de sécurité. La troisième partie aborde la place de la force physique dans les pratiques de police. Elle montre comment l’enracinement de la garnison dans le paysage institutionnel et politique de la République, dès la fin du XVIIe siècle, accroît la présence des militaires dans les interventions de police et du maintien de l’ordre. Si les soldats deviennent des acteurs ordinaires du travail police, c’est moins par la volonté propre de leurs officiers, que par les attentes des édiles et de la magistrature, désireux de renforcer par la force les contrôles du territoire et l’exercice de la justice pénale. La dernière partie examine l’évolution des techniques et des pratiques policières, tels que les instruments de l’identification des personnes, du numérotage des maisons, de la gestion des foules, de l’éclairage urbain, des patrouilles secrètes de police. Ces différentes techniques de gouvernement évoluent, entre 1730 et 1780, aux croisements des exigences institutionnelles de la magistrature et des officiers militaires, mais aussi des attentes de la population. Les instruments du contrôle se développent parallèlement à la modification des équilibres sociaux dans la République et à la fragilisation des interconnaissances, d’une part, et, d’autre part, à l’essor des espaces de sociabilité dans la cité.

En étudiant les relations institutionnelles, sociales et politiques qui se nouent autour et dans les pratiques de police, ce travail met en exergue les questions et les tensions qui sont à l’origine de notre modernité politique et policière. Dans leurs efforts pour définir les actions nécessaires et légitimes de l’ordre public, les acteurs en présence font l’expérience inaugurale des difficultés et des contradictions qui n’ont jamais cessé de tarauder les sociétés modernes, entre respect des libertés et volonté de contrôle, entre garantie de la légalité et extension des pouvoirs. La police de la République livre la trame d’un ordre public qui n’est jamais que le résultat d’un consensus provisoire, toujours menacé, toujours fragile, qui nécessite d’être sans cesse repensé pour s’adapter à des attentes plurielles.

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