Se situant dans le champ d’étude de l’histoire sociale et carcérale, ce travail de mémoire se focalise sur des critiques menées envers les prisons vaudoises, ainsi que sur les éventuelles réformes discutées et mises en place suite à celles-ci entre 1957 et 1979.
Il s’agit ainsi de comprendre qui sont les acteurs·trices des critiques et quelles sont les problématiques soulevées, puis d’analyser comment ces critiques, provenant du monde politique et de la sphère publique, amènent – ou non – à des restructurations. L’hypothèse centrale de ce travail est que la prison – et ses occupant·es – est rarement un enjeu prioritaire pour l’État, les changements étant principalement envisagés au gré des circonstances et selon la perception qu’a l’exécutif vaudois des problèmes évoqués. Les différentes questions de recherche se concentre donc d’une part sur les différents acteurs·trices des critiques et leurs stratégies pour se faire entendre et, d’autre part, sur la réception des critiques par l’État vaudois et l’institution pénitentiaire, ainsi que les mesures envisagées pour tenter de remédier aux divers dysfonctionnements relevés.
Ce travail se concentre sur l’analyse de deux types de critiques, qui s’inscrivent dans deux périodes presque consécutives. La première période (1957-1968) voit l’émergence d’une critique émanant du monde politique, initiée par deux députés socialistes vaudois, à propos des conditions de détention dans les Établissements Pénitentiaires de la plaine de l’Orbe. Ces dernières sont alors débattues directement au Grand Conseil vaudois. La deuxième période, de 1972 à 1979, est celle des critiques menées par les mouvements contestataires, tels que le Groupe Action Prison, avec les mouvements des prisonnier⋅ères. Les critiques viennent donc de la place publique, mais aussi des prisons mêmes, permettant ainsi une mise en lumière du vécu des personnes enfermées et de l’impact de cette expérience sur leur trajectoire de vie.
L’analyse de ces deux périodes met en évidence certaines récurrences dans les sujets – par exemple, les conditions de détention des prisonnier⋅ères –, ou dans les réponses des autorités face aux critiques. La gestion de l’exécutif vaudois, qualifiée ici de « filtrage », montre ainsi le manque de compréhension globale des enjeux inhérents aux prisons, mais aussi aux prisonnier·ères. Malgré leur volonté d’améliorer le monde carcéral, les autorités persistent en effet à développer des stratégies où les gardien·nes et les détenu·es, qui sont pourtant au cœur du système, sont maintenus à distance dans les processus de réflexion.
Il en ressort enfin que, malgré son intention de changer, la prison peine à se dégager de son image négative, persistant à se positionner comme un monde à part, que l’extérieur ne peut pas comprendre.