Cfp: Punir moins pour punir mieux? La culture juridique du libéralisme pénal. Doctrine, lois, pratiques et imaginaire (XVIIIe-XIXe siècle)

15. février 2023
Appel à communication

En vue d'un colloque international prévu à l'Université de Genève, 7-8 décembre 2023, l'équipe du projet de recherche Damocles lance l'appel à contribution ci-dessous:

Argumentaire
Dès la Renaissance, le monopole de l’État sur le droit de punir forge le pénal hégémonique en attribut régalien de la souveraineté. Avec la procédure inquisitoire (écrite, secrète, aveu probatoire), il exclut la vengeance privée.

Protéger et réprimer : le pénal est à la fois le bouclier et le glaive des libertés. Cette dualité inquiète le libéralisme politique. Contre l’absolutisme de droit divin, la culture politique du libéralisme valide l’individualisme normatif, la neutralité institutionnelle et la juridicité. Entre l’habeas corpus (1679) et la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (1789), se noue le moment du libéralisme pénal que véhiculent les Lumières. Il sape le pénal hégémonique dont le régime suppliciaire comme pouvoir-spectaculaire du souverain, avant les pouvoirs disciplinaire et sécuritaire (M. Foucault). Si la force du glaive est dans sa retenue pour Montesquieu, le libéralisme pénal est un « minimalisme » punitif axé vers la modération pour optimiser l’effet des peines garantes de l’ordre et des libertés. En 1764, avec Dei Delitti e delle pene qui prône l’abolition du gibet, la légalité vs l’arbitraire, la sécularisation des crimes et la modération des châtiments, Beccaria « oppose un bien politique — la sécurité publique — à l'incessible droit de l’individu et sa liberté inviolable » (Mario Sbriccoli « Beccaria et l’avènement de l’ordre. Le philosophe, les juristes et l’émergence de la question pénale », in M. Porret éd., Beccaria et la culture juridique des Lumières, Genève, 1997, p. 177-187). Sous les lois modérées, chacun consent à la peine certaine et utile pour l’intérêt général. La liberté est la norme, la coercition l'anomalie. Punir moins pour punir mieux : tel est le cadre épistémologique du colloque sur le libéralisme pénal. Entre légalité, nécessité (prévention, réhabilitation), prudence procédurale contre la torture judiciaire ou la détention arbitraire puis aversion de la souffrance-sanction, quatre points définissent le libéralisme pénal :

  1. Un droit pénal sécularisé qui va du providentialisme répressif à l’étatisme juridique. L’infraction légale remplace le péché. La peine n’est plus une rétribution divine, mais l’« obstacle politique » du mal social qu’est le crime.
  2. Un droit pénal humain qu’idéalisent la « douceur » et la « modération » de la justice criminelle.
  3. Un droit pénal égalitaire où l’intérêt général prohibe les privilèges et instaure l’égalité juridique.
  4. Un droit pénal public où les crimes et les peines sont qualifiés et motivés publiquement contre le secret de la procédure inquisitoire.

Au-delà de son périmètre intellectuel, le libéralisme pénal se matérialise en des pratiques judiciaires, des processus normatifs ou constitutionnels. Magistrats, juristes et philosophes l’incarnent. Ils en portent les aspirations, en traduisent les attentes, mais aussi en portent les carences ou en révèlent les vices. Contentieux, législation, incrimination, pratique pénale, procédure, régime des peines, statut des victimes, police et experts des savoirs judiciaires ou criminologiques, figures intellectuelles, réformisme et abolitionnisme institutionnels : ces objets pointent les problématiques que le colloque approfondira. Des Lumières à aujourd’hui, de la pénalité corporelle à la prison comme peine, des normes aux archives judiciaires, la culture juridique du libéralisme pénal s’historicise entre doctrine, pratique et discours.

Histoire intellectuelle, institutionnelle, sociale et des pratiques judiciaires: ce colloque prend un relief contemporain quand le pouvoir et le populisme sécuritaires fragilisent l’héritage des Lumières juridiques en dégradant le volet libéral du pénal.

Soumission des propositions
Les propositions de communication au colloque avec titre et résumé de 1000 caractères environ parviendront avant le 15 février 2023 aux deux adresses suivantes : Numa.Graa@unige.ch; Elisabeth.Salvi@unige.ch

Organisé par
Frédéric Chauvaud, Marco Cicchini, Vincent Fontana, Numa Graa, Michel Porret, Alice Rey, Robert Roth, Élisabeth Salvi.

Lieu de l'événement

Université de Genève
Rue de Candolle
1205 
Genève

Kontakt

Numa Graa

Langues de l'évènement
Français

Coûts de participation

CHF 0.00

Inscription

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