Trois associations de femmes rurales dans le canton de Fribourg germanophone sont étudiées : les associations du Moratois, de la Singine catholique et de Fribourg et environs. La question centrale est l’analyse des rapports entre ces associations féminines et leurs interlocuteurs masculins, en particulier l’Union des Paysans fribourgeois, le parti conservateur au pouvoir et le clergé. Nous étudions de quel degré d’autonomie les femmes disposaient dans leurs activités et à quel point elles étaient encadrées et dirigées par des volontés masculines. L’analyse porte principalement sur quatre périodes : les moments de fondation de ces associations dans les années 1930, la guerre, puis leurs deux projets de grande ampleur : l’apprentissage ménager agricole et le conseil ménager agricole.
La fondation de ces associations de femmes rurales intervient lors de la crise économique et agricole des années 1930. Elle est principalement initiée par des hommes, qui donnent à ces nouvelles sociétés la direction qui leur convient. Leur contrôle se réduit ensuite dans le Lac et la Sarine, mais très peu chez les catholiques singinoises, où des enjeux de pouvoir électoraux et religieux s’ajoutent à la simple volonté d’une femme plus forte pour les familles. Les mondes paysan, religieux et politique soutiennent ces nouvelles associations, dont les buts principaux sont une meilleure formation et le combat contre les différentes crises et l’exode rural.
La Seconde Guerre mondiale permet aux femmes de se soutenir dans une épreuve et de nouer des liens avec d’autres organisations féminines qui vont les aider à réaliser certains projets et à s’investir pour leur cause. Ainsi, en collaboration avec l’Institut agricole de Grangeneuve (IAG) et l’Etat, les femmes rurales introduisent en 1954 un apprentissage agricole ménager qui doit permettre aux jeunes filles de garantir l’autosuffisance de leur famille et de les garder dans les campagnes. En 1965, un service de vulgarisation féminin voit le jour au sein de l’IAG. Celui-ci doit permettre aux femmes rurales de rationnaliser leur temps de travail et d’accompagner la transition vers une exploitation moderne. D’autres petits projets donnent aux femmes la possibilité de se rencontrer, d’échanger et de s’affirmer. Ainsi, elles s’impliquent en tant que membres de la classe paysanne pour les initiatives agricoles, puis se positionnent majoritairement en faveur du droit de vote des femmes en 1971.
En correspondant à l’image de la ménagère et de la paysanne voulue par des autorités et une société conservatrices, craignant le communisme et la modernité, les associations de femmes rurales ont réussi à prendre de plus en plus d’autonomie et à collaborer avec les institutions masculines afin de parfaire et faire reconnaître leur travail.