Type de travail
Mémoire de master
Statut
abgeschlossen/terminé
Nom du professeur
Prof.
Alain
Clavien
Institution
Histoire contemporaine
Lieu
Fribourg
Année
2019/2020
Abstract
Ce qui fait des murs des œuvres n’est pas un geste artistique. Questionner ce processus, c’est
accepter d’abord que les peintures murales commandées par la Confédération suisse entre
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1918 et 1939 résultent d’« actes de magie sociale » . Un mur n’a pu devenir une œuvre qu’à
supposer qu’un·e artiste ait été sélectionné·e et d’autres exclu·e·s par un jury, qu’une œuvre ait été inspirée, produite et signée puis que cette œuvre soit reçue, son statut apprécié par une communauté.
La sélection, la production et l’appréciation constituent ces murales. Des fonctions que se par- tage et se dispute une nébuleuse d’actrices et acteurs issue des milieux entremêlés de la poli- tique, de l’administration, de l’architecture, de l’université, des médias et finalement des arts. Les rapports humains qui se jouent dans le microcosme autour de l’œuvre dépendent de lo- giques étonnamment complexes qui réclament d’être lues et écrites en des termes d’histoire culturelle et sociale. Historiquement significatives, les peintures murales et les discours qui les entourent exposent des luttes de pouvoir et des solidarités qui transcendent le geste de peindre pour donner un éclairage humain sur la politique culturelle fédérale.
Elle n’est pas une décision purement politique. Elle est en grande partie gérée par le syndicat des artistes. La gauche et la nouvelle droite lui donnent pour but de démocratiser l’art et d’aider les artistes souffrant de la crise économique. Toutefois, elle privilégie des célébrités. Elle n’opère pas de censure, mais ne sélectionne que des peintures figuratives, produites par des connaissances des membres du jury. Elle ne fait pas l’unanimité : on l’accuse d’être un abus de pouvoir de l’Etat central. Certain·e·s l’appellent Défense spirituelle et la disent totali- taire ou antitotalitaire, la comparant aux régimes voisins. Tournée vers l’intérieur, elle est pourtant plus occupée à défendre sa propre légitimité.
Personnifier la politique culturelle fédérale stimule les paradoxes. A l’inverse, mettre des noms et des actions sur ce qui fait des murs des œuvres permet d’en rendre la richesse pour en comprendre la complexité.
1 BOURDIEU Pierre, Ce que parler veut dire. L’économie des échanges linguistiques, Paris, Fayard, 1982, p. 132.